Non, vous ne vous êtes pas trompés ! La salle Abdelhak-Benhamouda de l'Office Riadh El-Feth, a bel et bien accueilli en ce jeudi, 30 janvier 2003, à bras ouverts, la grande chanteuse oranaise, la «boulboulat attarab», le rossignol qui chante, comme l'a si bien dit la présentatrice, Afifa. L'interprète de Al Goumri, Anta andi tabka anta, et beaucoup d'autres titres qui resteront éternels, a suscité, lors de cette rencontre avec son public, très ravi de la revoir, ému jusqu'aux larmes, une très vive réaction. L'occasion de cette rencontre était un gala de solidarité organisé par Ali Achour et Noureddine Issiakhem, en vue de venir en aide à une artiste qui a longtemps donné de son temps, de sa santé et de sa vie, à la chanson et à son pays et qui se retrouve aujourd'hui, victime d'une maladie impitoyable, d'un état de santé critique auquel s'ajoutent une indifférence incroyable et une ingratitude de la part des responsables. Chacune de ces occasions mémorables, comme ce fut le cas lors de la maladie de Zoulikha, de Mohamed Ouenniche, de Yahia Ben Mabrouk, de Saïd Hilmi et aujourd'hui de Sabah et la liste est bien longue, est une preuve supplémentaire du manque de considération de l'Etat envers les artistes ; sans statut, sans droits, sans caisse de retraites, sans aide, ils sont livrés à eux-mêmes, rejetés dès qu'ils ne sont plus en mesure de donner. Unis par un même sort et de longues années de vie commune, beaucoup d'artistes ont répondu présents à l'appel du coeur et sont venus chanter, bénévolement et avec un grand plaisir - doublé d'une immense tristesse en raison de l'état de santé de leur mère, soeur et amie Sabah. Le coeur n'y était pas vraiment - du moins pour les plus âgés des spectateurs, car les jeunes étaient surtout venus se défouler, danser et s'amuser, bien que l'occasion ne fût pas à la fête, l'initiative est néanmoins fort louable car quoi de plus touchant et de plus humain que de voir les Algériens s'entraider et s'unir. Abdelkader Guessoum, Mourad Djaâfri, Nacereddine al Blidi, Benzina, Abderrahmane Djalti, cheb Hassane, cheb Toufik, Djamila Sahli, Hassiba Amrouche, Boualem Chaker, Youcef Dali, cheb Lyès, Nacereddine Galliz, Azzedine al Maghribi, Afifa, Sabiha, Nardjess, Foufa, Hamid Achouri, Kouider, tous sont venus spontanément partager ces moments fort émouvants avec Sabah la courageuse, Sabah la résistante, Sabah l'éternelle qui a marqué à jamais l'esprit et la mémoire de ses fans, venus très nombreux l'encourager à résister à son mal. «Nous t'aimons Sabah», «Courage Sabah», «Dieu te prête longue vie Sabah». Tels étaient les mots que lançaient dans la salle ses admirateurs qui la remerciaient d'avoir affronté sa maladie, d'avoir pris son courage à deux mains et d'être venue à leur rencontre. Très touchant était le moment de son entrée en salle, après avoir dit quelques mots de remerciement en direct du hall, au micro de Chatrane pour Radio al Bahdja qu'on remercie au passage, et à sa tête le nouveau directeur, Salim Saâdoun, dont le sérieux, la compétence et le professionnalisme ne sont plus à démontrer. Dès l'entrée de Sabah, tout le monde se leva, tout le monde applaudit, tout le monde acclama...tous voulaient la voir, la toucher, l'embrasser, tous voulaient lui signifier leur amour et leur reconnaissance; elle, toute petite dans son manteau gris et son foulard bleu, mais grande dans sa prestance, son éloquence et sa sagesse, est entrée à petits pas, soutenue par ses proches et amis. Elle a tenu à remercier tous ceux qui l'ont soutenue et continuent de le faire, parents, frères et soeurs, amis, personnalités artistiques, médecins et infirmiers du Centre Pierre et Marie -Curie. Mme Khalida Toumi, MM.Abbou et Aberkane, et tous ceux qui lui ont signifié leur soutien d'une façon ou d'une autre. Elle n'a cessé de remercier surtout Dieu pour la force qu'il lui a donnée pour pouvoir combattre sa maladie et se sentir mieux «koul chi byeddou»; (tout est entre ses mains); «Dieu est grand», «koulchi besmou», «nechkourkoum, khouti»; (merci mes frères). A l'entrée de Djamila Sahli sur scène, qui a repris quelques morceaux de Sabah, nous n'arrivions plus à contenir nos larmes, l'émotion était à son comble, Sabah a demandé le micro et a chantonné ce refrain tant et tant fredonné: «Anta andi tabka anta, tabka anta...», (Pour moi, tu seras toujours le même); et effectivement, pour nous, pour tous les Algériens, Sabah restera Sabah, rien ni personne n'auront raison d'elle...Que Dieu lui prête vie et l'aide à surmonter sa maladie et qu'elle sache que même si son métier est ingrat, ses fans ne le seront pas et lui reconnaîtront toujours la place et le mérite qui lui reviennent de droit. A la fin du spectacle, Noureddine Issiakhem et Ali Achour remettent à Sabah, en direct, la recette de ce gala qui s'est élevée à un peu plus de 56.000 DA, somme fort modeste, plutôt symbolique qu'autre chose...Que les artistes qui étaient présents en soient remerciés, quant à ceux qui ont raté le rendez-vous, ou ceux qui lui ont fait faux bond, ils peuvent encore se racheter et apporter leur aide...ne dit-on pas qu'il n'est jamais trop tard pour bien faire? Seulement, une question reste quand même posée: n'y a-t-il pas moyen de convaincre les concernés de l'absolue nécessité d'une solution à cette dramatique situation à laquelle en arrivent tous les artistes? N'y aurait-il pas un moyen de les réconforter en leur assurant au moins une fin digne et respectable...?