Agés entre huit et quatorze ans, ces « bambins » et ces adolescents consacrent le clair de leurs longues journées d'été, à la recherche d'infimes paillettes jaunes qui se seraient faufilées des mains des centaines d'ateliers de bijouteries foisonnant dans la capitale des Aurès, particulièrement aux cités Bouakal, Annasr et la Verdure. En quête d'argent de poche ou participant au budget de leurs familles démunies, ces enfants sont de plus en plus nombreux à s'adonner à cette activité. Mais génératrice de faibles revenus, cette besogne aux résultats incertains renferme, par ce fait même, un facteur d'excitation pour ces jeunes chercheurs d'or à qui il arrive de tomber certaines journées, sur plusieurs grammes d'or, et un gramme d'or non travaillé vaut actuellement pas moins de mille dinars. La technique utilisée est simple de même que l'outillage. D'abord, un balai sans manche et une balayette pour recueillir dans un sac en plastique toute la poussière accumulée à l'entrée d'une bijouterie. Ensuite, commence le vrai travail d'orpailleur qui consiste à passer cette poussière aurifère par des cribles aux trous à diamètres variant du plus ouvert au plus fin. Activant en petits groupes, ces enfants se répartissent à travers les cités où se concentrent les bijoutiers et on assiste à des frictions, voire même à des bagarres qui éclatent à propos de la délimitation des zones d'activité. Un fait qui souvent conduit les propriétaires des ateliers à les chasser. Fateh, dix ans, se considère très chanceux dans ce métier. « Une fois, j'ai réussi à trouver pas moins d'un gramme et demi », lance-t-il avec fierté. Un peu plus âgé, Salim du haut de ses 13 ans, affirme que souvent les bijoutiers volaient leur sueur en leur rachetant l'or à des prix inférieurs au marché, les menaçant, en cas de refus, de ne plus les laisser fouiner devant leurs magasins. Ancien bijoutier de la cité Bouakal, Mohamed a de l'estime pour ces jeunes débrouillards dont certains révèlent, selon lui, une éloquence digne des grands négociants, même s'il se dit parfois agacé par les chamailleries de ces « chercheurs d'or ». Voyant le « fruit » de ces orpailleurs, certains bijoutiers conservent jalousement « leurs poussières » qu'ils ramassent eux-mêmes et les confient à leurs épouses, et surtout aux filles pour les passer aux crible une ou deux fois par semaine. D'autres encore emploient directement ces jeunes chercheurs qu'ils chargent de tamiser ces poussières contre de modiques sommes. S'échangeant les petites histoires des grandes « découvertes » des plus chanceux orpailleurs, ces jeunes rêvent de tomber sur des morceaux entiers d'un bijou que laisseraient glisser intentionnellement les bijoutiers-fondeurs, dont certains manipulent, quotidiennement, jusqu'à plusieurs kilos d'or par jour.