Le style, chez cette poétesse marocaine, dont la sensibilité est à fleur de peau, est d'une souplesse extraordinaire qui se calque sur le rythme même de la respiration. Parmi la pléiade de poètes marocains, saoudiens, émiratis et algériens qui se sont produits mercredi après-midi à l'hôtel Safy devant une assistance composée essentiellement d'initiés, c'est incontestablement à la muse marocaine incarnée par Fatiha Morchid que la palme serait revenue. Son long poème sur la disparition de son père survenu l'année dernière alors qu'il se rendait à La Mecque en pèlerinage est d'une vigueur et d'une beauté bouleversantes. Pourtant, avant d'en donner lecture d'une voix mélodieuse qui se prête merveilleusement au mouvement rythmé des vers, la poétesse nous avertit : « Ce sera triste. » Ce fut pathétique jusqu'au tragique. Comme en musique, l'intonation atteint parfois un registre intolérable. On suit pas à pas la « récitante » qui reconstitue le voyage du pèlerin adoré, puis la fin. On traverse avec elle la mer Rouge, le désert sans fin où le vent de sable soulève des vagues pareilles à celles de la mer donnant l'impression de la prolonger. On est même un moment à Paris, rue Saint-Germain-des-Prés. Au mot insulaire, on comprend que Fatiha est médecin, qualité qui n'enlève rien à son statut d'artiste et de poète et que son père est atteint d'une maladie chronique qui finira par avoir raison de lui. On est à Djeddah. Puis la vie qui cesse, et les mots qui s'enflent comme les vagues d'une mer démontée pour dire la douleur, les pleurs et les funérailles. La veillée funèbre en famille. Le style, chez cette poétesse marocaine, dont la sensibilité est à fleur de peau, est d'une souplesse extraordinaire qui se calque sur le rythme même de la respiration et du cœur de l'auteur. En vérité, Fatiha chante et ses chants qui montent jusqu'au firmament retombent en notes d'or. A côté de cette muse marocaine, deux autres compatriotes méritent d'être signalés à cette rencontre dédiée à la poésie et présidée par Amin Zaoui : Widad Benmoussa et son poème sur l'Angoisse et Abdelkrim Tabel et son chant intitulé O miroir.