L'irrigation par les eaux usées, pratiquée depuis des années dans certaines zones dites agricoles, en particulier à Fesdis, commune de Djerma, est désignée du doigt comme étant à l'origine de maux et maladies que connaît Batna et sa région, sans pour autant qu'il soit mis fin à cette pratique criminelle qui fait des victimes par centaines. Les spécialistes n'écartent pas l'hypothèse que la consommation d'eau, de légumes et de lait provenant de cette région, ne soit la cause première de la propagation de maladies cancéreuses. Au sein des directions de l'agriculture, de la santé et de l'environnement, c'est la consternation, et en dépit de quelques mesures, irrégulières et surtout inopérantes, le sentiment d'impuissance face à un tel phénomène, qui prend de l'ampleur, se lit sur tous les visages. A la direction de l'agriculture, Salah Tabibel, membre de la commission de wilaya, chargé des maladies à transmission hydrique nous parle d'un manque aberrant de moyens, alors que la ville de Batna est considérée zone à haut risque en matière de M.T.H. Selon lui « il est impensable que l'eau d'un puits ou d'une source, déclarée impropre à la consommation, devient propre du jour au lendemain, ou encore que les visites inopinées sur les lieux suspects deviennent guidées, c'est hilarant ! ». Même état d'esprit à la direction de la santé, où M. Sadouk, directeur par intérim et chef de service de la prévention au niveau de la wilaya, ne mâche pas ses mots pour exprimer son inquiétude, étayant ses propos par des chiffres qui donnent froid dans le dos, mais cependant, sans aucun pouvoir ou moyen pour agir. Il dira, concernant les conséquences de la consommation de l'eau, des légumes irrigués par les eaux usées et du lait collecté dans cette région :« les maladies sont connues, elles sont graves, parfois mortelles, et nécessitent des soins lourds, comme celles de la douve du foi, du ténia, de la leishmaniose, etc. et notre secteur est le premier à payer la facture, or il suffirait de mettre fin à l'irrigation par les eaux usées, qui non seulement sont à l'origine des toxi-infections alimentaires collectives, mais aussi de cas de brucellose, car dans les régions de Djerma, Aaraour, Boumia, le bétail se nourrit dans des champs irrigués par des eaux usées. »Un jeune cadre de la direction de l'environnement, souhaitant garder l'anonymat, qualifiera le sujet d'explosif, car selon ses dires, les chiffres sont éloquents et rejoignent ce triptyque : santé, agriculture, environnement. La station d'épuration des eaux usées de Batna, qui a battu tous les records de lenteur dans sa réalisation (depuis 1976), arrive très en retard et est devenue obsolète. Toujours selon l'intervenant de la direction de l'environnement, cette station est dimensionnée pour traiter des eaux urbaines où la population est organique, or elle se trouve en aval d'une ville de 300 000 habitants, souffrant des rejets des tanneries de la zones industrielle, des acides des différentes unités, en plus de 60 stations lavage, et d'une centaines de bijouteries (métaux lourds), et n'est donc pas équipée pour traiter ce genre de matière, ce qui n'est un secret pour personne. La réalisation d'une station mixte s'impose, mais dans l'immédiat, il est impératif de stopper, et en toute urgence, l'irrigation par les eaux usées, dont les auteurs ne s'en cachent plus, se considérant au-dessus des lois.