C”est à l'image du pays...” Voilà la réponse pour le moins biscornue qu'a eue le directeur adjoint de l'Unique sur les ondes de la Chaîne 3 pour justifier la médiocrité des programmes diffusés pendant le mois de Ramadhan sur lesquels les auditeurs se sont exprimés de manière unanimement défavorable. Un raccourci qui a dû choquer plus d'un alors qu'il était attendu de lui des explications plus rationnelles pour essayer de convaincre un public qui ne demande qu'à comprendre les raisons de tant de ratés. Prise au premier degré, cette réaction de l'invité (par téléphone) de la radio qui avait toute la spontanéité d'un sentiment mesuré et assumé, voulait tout simplement dire que cette médiocrité de la télé sur laquelle on fait aujourd'hui une certaine fixation n'a rien à envier au reste de la médiocrité générale qui frappe pratiquement tous les secteurs d'activité en Algérie et qui par conséquent a fini par forger cette image peu reluisante d'un pays incapable de s'accomplir en regardant vers le haut. C'est la lecture qui vient à l'esprit en analysant une telle profession de foi de la part d'un responsable censé avoir une attitude moins populiste devant une vraie question (le rapport entre la télé nationale et son public) qui fait de plus en plus débat et qui démontre que les têtes bien-pensantes de notre boîte à images restent parfaitement en accord avec la petitesse de leurs ambitions. Ils n'ont pas de grands projets pour nous, ils ne sont pas en mesure de faire plus que ce qu'ils sont en train de nous refiler depuis des années, il faut donc faire avec et se taire… à défaut de se lamenter sur la pertinence qui caractérise le travail de la télé voisine. Le numéro 2 de l'Unique aurait aussi bien ajouter “Allah ghaleb !” qu'on aurait compris de toute façon, vu que le fatalisme qui est nourri du côté du boulevard des Martyrs fait partie de l'argumentaire pour cacher en réalité des incompétences à plusieurs niveaux. Le mini dossier que vient de consacrer El-Watan à la télévision nationale, en engageant la réflexion à partir de la grille spécial Ramadhan, a mis le doigt sur cette propension à la stagnation quasi institutionnalisée qui découle certes de différents facteurs de blocage, dont les infrastructures de réalisation et l'encadrement qualifié ne sont pas des moindres, mais qui, comme osent à peine le murmurer certains producteurs de fiction préférant garder l'anonymat, relève principalement d'une gestion et d'une approche culturelle et artistique du produit télévisuel complètement dépassées, obsolètes. Au royaume de l'Unique, la gouvernance est hélas chaotique, laissent-ils entendre. Au bout de la chaîne, il y a évidemment la responsabilité du DG qui est engagée et qui concentre en elle toutes les critiques fondées ou pas. Si ça ne marche pas comme c'est souvent le cas, c'est la faute à HHC ! Le grand boss de l'Unique, plusieurs fois mis sur la sellette, mais jamais remis en cause par les tenants du pouvoir, est-il conscient de l'énorme dépit que ces trois initiales provoquent chez la population des téléspectateurs rarement satisfaits par ce que leur renvoie l'écran national ? Même s'il reste la cible privilégiée de vrais faux détracteurs, que peut-il faire pour arrêter l'hémorragie de la... médiocrité. Sinon comme il l'a déjà susurré, penser sérieusement à la libération du champ audiovisuel, seule alternative, selon les observateurs avertis, pour sauver dans les années qui viennent la télévision de la déperdition totale qui la menace. Avec une chaîne unique, bien que reposant sur trois clones, l'Algérie n'a pas fini de cumuler des retards considérables dans un espace de communication devenu hyper stratégique pour le développement et la promotion humaine. Le débat essentiel tourne donc autour de ce refus obstiné des gouvernants algériens à dévérouiller le système médiatique, à commencer par le média le plus influent, en l'occurrence la télévision. Pourquoi cette persistance de l'interdit concernant l'ouverture de l'audiovisuel au privé, à supposer que celui-ci, sans tutelle, non soumis aux restrictions idéologiques et engageant son propre argent, serait tenu de faire mieux que la télé d'Etat ? A la vérité, une télé indépendante appelée à prendre certaines libertés, malgré le cahier des charges par lequel tout débordement est contrôlé, constitue un risque potentiel pour l'équilibre du système politique algérien qui ne peut tolérer d'autres discours que le sien. L'exemple de la KTV est significatif sur le danger que pourrait faire planer une chaîne privée sur la cohérence d'une gouvernance qui n'accepte aucune concurrence encore moins une quelconque adversité. Partant de cette hégémonie qu'on retrouve bien incarnée par la télévision unique, il reste peu de chances de voir les esprits intelligents bousculer les carcans dans lesquels on les a enfermés et aider à tisser une autre dimension culturelle à laquelle nous aspirons tous. Il y a donc invitation, pour rester dans les limites du petit écran, à se conformer à cette image fataliste de l'Algérie qui continue de couvrir toutes les banalités télévisuelles. Cela dit, si le deuxième feuilleton de la soirée Ramadhan est un condensé de mièvreries, la série de Hadj Lakhdar sauve un peu les meubles plus par la qualité des comédiens que par le scénario qui supporte les petites histoires de voisinage. C'est l'imaginaire qui manque le moins...