Des entreprises publiques et privées de différents secteurs d'activité à Annaba se plaigent d'être confrontées à de sérieuses difficultés nées de la gestion des contraintes relatives aux relations de travail. Les indemnités de licenciement et l'obligation de réintégration d'agents recrutés dans le cadre d'un Contrat à Durée Déterminée (C.D.D.) et licenciés à l'expiration de ce dernier sont les arguments généralement avancés par les responsables de ces entreprises. Annaba : De notre bureau Ce constat est particulièrement signalé à El Hadjar (Annaba) où le tribunal saisi par des travailleurs en CDD licenciés, se prononce systématiquement en leur faveur. C'est ce qu'indiquent des correspondances adressées par des responsables d'entreprises au ministère de la justice et celui du travail. Pour le seul 1er semestre 2007, plusieurs entreprises ont ainsi vu leurs comptes bancaires ponctionnés par les huissiers munis d'une décision de justice. Le préjudice est aggravé avec l'obligation de réintégration en CDI des travailleurs plaignants à des postes de travail qui n'existent plus, ne figurant plus sur l'organigramme ou dans une entreprise sans plan de charge. Le motif de la condamnation est toujours le même : " Licenciement Abusif ". A El Hadjar, la sentence est généralement prononcée en l'absence de l'employeur mis en cause. Comme par hasard, la convocation fixant la date de l'audience du tribunal adressée à ce dernier, retourne au destinataire avec la mention " adresse inconnue ". L'employeur s'aperçoit de sa condamnation à la réception de son relevé bancaire. " Plusieurs chefs d'entreprises ont exposé le problème récurrent du CDD, de sa mise en œuvre, de la remise en cause systématique de sa rédaction par l'inspection du travail et le tribunal des affaires sociales en cas de saisine par le travailleur concerné par l'expiration de son CDD. Cette remise en cause se solde, pour l'entreprise, par un dédommagement conséquent doublé d'une condamnation, prononcée souvent en l'absence de l'employeur, de réintégrer le salarié même si le poste de travail n'existe plus", la déclaration est du président directeur général de Médibat. Elle est corroborée par ses homologues du secteur et de ceux de l'industrie (sidérurgie, métallurgique , pétrochimique, ferroviaire, mécaniques, papeterie), commercial et agricole. La situation a pris, actuellement, des proportions telles qu'elle peut mettre en péril l'existence même de certaines entreprises. Realski à Skikda (filiale EPE) et Malki promotion Immobilière en ont fait récemment les frais avec ce qui s'apparente à une mise en faillite. Elles avaient été financièrement mises à genoux par des dizaines de condamnations financières variant entre 500.000 et 1,20 millions DA. Ces condamnations ont été appuyées par la réintégration, sous le statut du Contrat à Durée Indéterminée (CDI), du travailleur plaignant. Ils sont des centaines à avoir bénéficié de ces deux sentences prononcées par les magistrats du tribunal d'El Hadjar. Ces derniers s'étaient appuyés sur le procès verbal de non conciliation établi par le bureau de conciliation composé de 2 représentants des travailleurs et 2 autres pour les employeurs. Ce bureau active au niveau de l'inspection du travail à l'image de celle à El Hadjar. Si à la Cour de justice de Annaba, on en est toujours à assurer une stricte étanchéité dans les relations avec les représentants de la presse, ce n'est pas le cas à la direction régionale du travail. M.Omar Mesrar son premier responsable précise : "Tout travailleur qui se présente dans nos services pour se plaindre d'une infraction des dispositions du code de travail dont il aurait été victime, est immédiatement pris en charge. Il ne nous appartient pas de dire s'il a tort ou s'il a raison. Après étude du dossier par le bureau de conciliation et en cas de non conciliation, ce qui s'avère être un dossier de conflit individuel du travail est transmis à la justice seule habilitée à statuer. Des dispositions en été prises récemment avec le procureur général prés la Cour d'Annaba pour revoir la composante du bureau de conciliation. La nouvelle composante pourrait voir le jour dés le mois de novembre 2007 ". 6000 emplois gelés La démarche de la direction régionale du travail se veut être une réponse aux nombreuses réclamations des employeurs sur des "dés truqués" qu'utiliseraient certains membres du bureau de conciliation à El Hadjar. Les 3000 dossiers portant "conflit individuel de travail" enregistrés au niveau de l'inspection de El Hadjar témoignent de la complexité de la situation. "Alors qu'à de rares exceptions la procédure judiciaire pour " licenciement abusif " est rejetée au tribunal de Annaba, elle est presques systématiquement enregistrée par celui de El Hadjar vers lequel affluent les travailleurs en rupture de CDD " affirment des chefs d'entreprise. Tout en précisant n'avoir jamais reçu de convocation, Ils ont ajouté : "les magistrats de El Hadjar agissent sur la base du PV de non conciliation établi systématiquement par le bureau de conciliation à l'inspection du travail ". C'est pourquoi les membres de l'Association pour le Développement et la Promotion de l'Entreprise (ADPE) multiplient les alertes sur les risques de faillite qui pèsent sur la job machine dans la région. " Dans le milieu du travail à Annaba et même dans d'autres régions du pays, vaut mieux recruter dans le cadre d'un CDD qu'en Contrat à Durée Indéterminée(CDI). Ce dernier s'avèrera un acquis par la suite. En effet, il suffit au bénéficiaire de disposer d'un PV de non conciliation. Ce dernier est établi par le bureau de conciliation . Il permet au bénéficiaire d'ester en justice l'employeur pour un licenciement abusif pour décrocher le gros lot. Celui-ci consiste en une grosse indemnité de dédommagement et en l'obligation de réintégration au titre d'agent permanent de l'agent concerné", vont jusqu'à dire des cadres gestionnaires. Il s'agit notamment de ceux représentatifs de Travaux Sider, GeniSider, Gesibat, Cosider et des entreprises Batigec, Medibat, Fertial, GTH, Société Aziar, papeterie Alif… Préalablement à l'interpellation des plus hauts responsables de l'Etat, ces cadres ont passé au crible les dispositions contenues dans les CDD et dans les motivations retenues par les magistrats dans leurs entendus. La décision de justice au bénéfice du plaignant est mise à exécution par un huissier dans les 8 jours qui suivent la date du jugement. "Si pour certains chefs d'entreprise la faillite est certaines avec la perte définitive de plusieurs postes de travail, d'autres ne recrutent plus. Ils préfèrent faire appel à des entreprises privées. Celles ci n'ont pas de souci à se faire en matière de protection sociale des travailleurs. Elles appliquent la méthode du travail à l'attachement. C'est-à-dire au jour le jour sans avoir à rendre des comptes à l'inspection du travail. Parler de création de nouveaux postes de travail, est une utopie en l'état actuel des choses ", considère Mohamed T, cadre gestionnaire à Batigec. Il a passé au crible chacune des décisions de justice dont il a été destinataire. Pas une seule fois il n'a reçu de convocation à se présenter à la barre pour y être entendu. Conséquence, des 1300 agents dont son entreprise a expressément besoin pour la réalisation de différents projets, il a préféré se limiter à 400. C'est dire que les décisions de justice ont été très dissuasives. Du côté de l'ADPE on parle du gel de plus de 6000 postes de travail. Ils devaient être créés en 2007 sous forme de CDD. Si les petites sociétés privées du bâtiment et de la construction sont plus ou moins épargnées par les PV de non conciliation et les condamnations du tribunal, les grosses cylindrées du secteur public sont quant à elle particulièrement ciblées. Courant 2007, en l'espace de quelques semaines, celles anciennement propriétés du groupe Sider ont vu leur compte bancaire faire l'objet d'importants prélèvements d'office globalement de plus de 145 millions de dinars. Et la procédure dite "des indemnités à verser pour licenciement abusif" n'est pas prête de s'achever. Tout autant qu'à la SPA Batigec qui a déboursé plus de 25 millions de dinars et Réalskikda ,15 millions de dinars, les entreprises du groupe algérien Asmidal, celles de l'Espagnol Fertial, de Ferphos… et bien d'autres entreprises ne sont pas à l'abri d'un tel traitment. La suspicion est générale . "Il y a comme une odeur de souffre dans la démarche du bureau de conciliation dont les membres statuent sur l'opportunité ou non d'adresser le dossier à la justice" , ont estimé des membres de l'association des entreprises. Tous veulent savoir si cette situation est le fait : d'un droit du travail algérien très protecteur ? De réel abus de l'employeur ? De l'absence d'une politique de gestion de la ressource humaine chez ce dernier ? De la méconnaissance, ou la mauvaise interprétation des règles qui régissent le droit du travail ? De la défaillance des représentants des employeurs dans la composante des chambres sociales ? De l'inspection du travail qui n'aurait pas assuré son nouveau rôle ?... Affirmant ne pas chercher à mettre en cause les jugements de l'appareil judiciaire, ni à toucher aux droits des travailleurs, mais seulement à comprendre le pourquoi de la perte systématique des procès intentés par les travailleurs aux entreprises, les membres de l'ADPE ont décidé de l'organisation d'une journée d'étude. Cette dernière dont la date n'a pas été fixée, traitera de : la maîtrise de la rédaction des CDD selon les textes en vigueur, la sensibilisation des autorités concernées (inspection du travail, justice…) sur la situation, parfois critique, des entreprises notamment dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, des modalités de représentation des employeurs au niveau des chambres sociales et la proposition d'amendement des textes en vigueur régissant la relation du travail. Du côté des magistrats l'on affirme que la fixation du taux d'indemnisation des " victimes de licenciement abusif" relève d'un système discrétionnaire. "Que dire de ce retraité de 70 ans qui a bénéficié d'un dédommagement de 500.000 dinars pour un licenciement considéré abusif d'il y a huit ans. Que dire également de cet agent qui recruté par 3 fois en CDD, a poursuivi en justice ses 3 employeurs et a eu gain de cause avec une indemnisation globale toujours pour licenciement abusif de plus de 2 millions de dinars alors qu'il ne s'est jamais arrêté de travailler" confie le directeur de Batigec.