A ceux qui croyaient encore que les Algériens disposaient d'une parcelle de souveraineté sur la télévision qu'ils financent, Hamraoui Habib Chawki vient de bousculer les dernières illusions. Notre confrère El Khabar nous a donné hier l'occasion de découvrir « en live » la relation fusionnelle qu'entretient HHC et, hélas, sa télé, devrions-nous écrire ! Notre sémillant directeur général de la télévision ne s'est pas encombré de scrupules et autre réserve due à son poste pour décréter sa souveraineté unique et inique sur ce média lourd prétendument public. Ainsi donc, HHC juge que l'expérience démocratique en Algérie est trop fragile pour ouvrir sa « boîte » aux brebis galeuses de l'opposition, si tant est que c'est lui, comme il le dit, qui est derrière la fermeture de l'ENTV aux partis d'opposition. Et ce n'est pas demain la veille que ces « anti-Algériens », du FFS, du RCD, du CLA, du Cnapest, de la LADDH, des disparus et de tous ces empêcheurs de « parler » en rond, défileront sur les plateaux de l'auguste ENTV. L'heure est encore grave semble nous dire M. Hamraoui, fataliste. On aurait pu à la rigueur donner un peu de crédit à de telles assertions pour justifier l'injustifiable (la fermeture de la télévision à la libre expression) en prenant prétexte du contexte sécuritaire. Mais le fait est que ce même responsable appelle depuis quelque temps de ses vœux à l'ouverture de l'audiovisuel à l'initiative privée ! En clair et en décodé, l'argument « politico-sécuritaire » de Hamraoui Habib Chawki sert simplement d'écran de fumée, destiné à clouer le bec à tous ces Algériens qui veulent se réapproprier ce média lourdement léger à leurs yeux. Et dans la vaine tentative de convaincre, HHC affirme que personne, y compris le président de la République, ne doit lui dicter la conduite à tenir dans la gestion de sa télé ! Auquel cas, on se demanderait comment un tel responsable qui a cadenassé la télévision publique avec un zèle inégalable puisse nous faire avaler la pilule qu'il voudrait bien une ouverture au privé ! Et quand il invite les journalistes de la presse nationale à l'aider — tenez-vous bien — « à faire changer les cahiers des charges de la télévision et les lois », on a presque envie de rire de cette boutade d'un homme qui nous lance à la figure que les Algériens ne sont pas assez mûrs pour se permettre une télévision plurielle. Il est à se demander comment le patron de notre petit écran s'y prendrait pour passer allégrement de la posture d'un censeur sans uniforme à celui d'un enfant de chœur qui va favoriser l'expression démocratique ? Réussir un tel grand écart est assurément une gageure. A moins que HHC ne joue le funambulisme politique qui consiste à se tenir à équidistance entre le schéma audiovisuel actuel qui lui offre le monopole de l'unique, et celui à venir (?) dans lequel il voudrait se faire une place au soleil. Rien ne peut justifier en effet cette ambivalence dans le discours d'un homme, sinon qu'il se projette à des lendemains qui chantent. Ce jour-là, peut-être, Hamraoui pourrait même « casser » de l'ENTV qu'il vénère aujourd'hui à fond la caisse…