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Le pourfendeur de Moubarak
Ibrahim Eissa. Rédacteur en chef de l'hebdomadaire Al-Doustour
Publié dans El Watan le 01 - 10 - 2007

C'est bien connu, dans les régimes arabes, il ne fait jamais bon d'évoquer la santé des présidents, des monarques, des princes et émirs et autres dignitaires.
Pour avoir dérogé à cette règle établie, le journaliste égyptien Ibrahim Eissa risque trois ans d'emprisonnement. Son crime : avoir propagé des « rumeurs » sur l'état de santé du président Hosni Moubarak, aujourd'hui âgé de 79 ans. Malade, certains l'ont même donné pour mort, le raïs avait disparu durant l'été 2007 de la circulation avant de réapparaître au mois de septembre. Bien sûr, ces rumeurs, propagées sur les sites internet, ont fini par être relayées par une partie de la presse cairote, notamment par Al-Doustour, l'hebdomadaire dont Ibrahim Eissa assure la rédaction en chef. Pour le gouvernement, c'est plus qu'une offense, c'est un crime de lèse-majesté. Prévu mercredi 24 octobre au Caire, son procès a été reporté à une date ultérieure. Mais ce n'est que partie remise, car la sentence, comme une épée de Damoclès, pend toujours sur la tête d'Ibrahim. A l'instar de certains journalistes et directeurs de journaux algériens, Ibrahim Eissa aura souscrit une sorte d'abonnement annuel auprès des tribunaux du Caire. « Depuis un an, je vais de tribunal en tribunal », confesse-t-il. Dans l'univers de la presse égyptienne, cet homme est tour à tour une tête brûlée, un baroudeur, un cumulard, un effronté, un récidiviste... Pour les autorités, c'est tout simplement un emmerdeur public. A 42 ans, Ibrahim Eissa collectionne les procès. En 2006, il a déjà été condamné à un an de prison pour diffamation au chef de l'Etat. Le 13 septembre dernier, il a de nouveau écopé d'une année d'emprisonnement et de travaux forcés. Demain, il risque encore la taule si son procès devait déboucher sur une condamnation ferme. Si vous croyez que cela trouble son sommeil, c'est mal connaître cet homme aux allures d'ours mal léché.
Admirateur de Che Guevara
Ibrahim, on le prendrait facilement pour un acteur sorti tout droit d'un mousselsel, ces feuilletons égyptiens diffusés tous les soirs à 19h tapantes sur l'ENTV. Un visage rond et barré d'une moustache bien fournie, des sourcils denses, les lunettes épaisses d'un douktour, un triple menton qui donne à son cou les dimensions de celui d'un taureau, Ibrahim est un personnage atypique. Dans son bureau, au-dessus de sa tête, trônent dix petits portraits de Che Guevara. Le Che avec la barbe hirsute et les cheveux longs, le Che coiffé du fameux béret noir étoilé, le Che le visage grave, le Che sans son fameux couvre-chef… Pourquoi tant de révérence envers l'icône du tiers-mondisme pourtant tombée en désuétude ? « C'est un symbole de la lutte du faible contre le fort », répond-il. Voilà donc comment Ibrahim conçoit son métier : un combat du faible contre le fort, de l'opprimé contre l'oppresseur, de la justice contre l'injustice, de la vérité contre le mensonge. « J'essaye d'accomplir ma mission de journaliste libre dans un pays qui ne l'est pas. » L'Egypte, son Nil, ses pyramides, ses feuilletons, et son président inamovible depuis bientôt 27 ans. Si aujourd'hui Brahim Eissa est devenu célèbre, c'est parce qu'il symbolise à son corps défendant le combat des journalistes égyptiens pour le respect de la liberté d'expression. Pour le gouvernement, ce sont des clous qui dépassent et sur lesquels il faut taper dessus jusqu'à ce qu'ils n'en apparaissent plus. Bien que la liberté d'expression soit consacrée par la Constitution, le régime, qui a vécu sous l'état d'urgence depuis l'assassinat du président Sadate en 1981, a fait adopter par le Parlement en juillet 2006 une batterie de mesures d'une extrême sévérité à l'égard de la profession. Le tour de vis est tel que moins de 35 délits de presse sont désormais passibles de peines de prison ainsi que de fortes amendes. Outrage à la moralité ou bonnes mœurs, outrage à l'assemblée du peuple, aux tribunaux, aux autorités ou aux administrations, offense au président de la République ou à un chef de l'Etat, l'exercice du journalisme est tellement cadenassé que la moindre critique est aussitôt assimilée à un délit d'opinion.
Obelix et la potion magique
Conséquence, depuis quelques mois, les procès et les attaques contre les journaux s'accumulent à telle enseigne que le 7 octobre dernier, quinze journaux ont décidé de se mettre en grève. Oh bien sûr, cette décision n'a pas fait l'unanimité chez les journalistes du pays, mais elle aura marqué les esprits. « Voyez-vous, remarque Ibrahim, demander à un journaliste égyptien de bien faire son métier, c'est comme mettre Zidane au milieu d'un champ de mines et lui dire : vas-y : joue au foot maintenant ! » Si cette formule ne manque pas de saveur, c'est parce qu'Ibrahim est blagueur. Quoi de plus normal alors qu'il dirige un journal satirique. Blagueur certes, mais journaliste dans l'âme, ou presque. Comme Obelix tombé dans la marmite de la potion magique alors qu'il était petit, Ibrahim lui a attrapé le virus de la plume dès son jeune âge. A 15 ans, il édite son propre journal qu'il distribuait dans son village Menoufiya (au nord du Caire). Le titre de ce périodique d'adolescent : Al Haqiqa (la vérité). Déjà, à l'âge des premiers émois amoureux, Ibrahim aspirait à tout sauf à faire du cirage de pompes. La légende dit que sa mère n'est pas étrangère à cette vocation. Non seulement, elle encourageait son rejeton, mais elle rêvait que son fils prenne la place de Mustapha Amin, cette autre grande figure du journalisme égyptien. Il faut croire que l'avenir finira par combler la maman, même si celle-ci tremble à l'idée que son fils croupisse dans une prison du Caire. Etudiant à l'université du Caire, Ibrahim prépare une licence de langue arabe. En parallèle, il commencera à collaborer dès 1985 à l'hebdomadaire Rose Al Youssef, fondé en 1925 par l'actrice Fatma Al Youssef. En raison de fortes divergences éditoriales avec l'équipe, son aventure avec Rose s'achève en 1991. Plus tard, ces anciens collègues de Rose compteront parmi ses meilleurs détracteurs, mais l'intéressé n'en nourrira aucune rancune. Après avoir publié plusieurs romans, il revient donc au journalisme en créant en 1995 Al-Doustour dans lequel signent des marxistes, des nasséristes, des islamistes et des libéraux. Mélange douteux des genres ? Absolument pas. Ibrahim se définit d'abord et avant tout comme un esprit libre.
Plume irrévérencieuse
A la tête d'Al-Doustour, sa plume irrévérencieuse fera des dégâts. Par trois fois, son journal sera suspendu par les autorités avant qu'il ne soit interdit en 1998 lorsque le journal aura l'outrecuidance de publier un communiqué attribué à la Jamaâ Islamiya dans lequel on faisait état de menaces de mort à l'encontre d'hommes d'affaires coptes. A l'époque, cette mouvance islamo-terroriste, responsable de l'attentat de Louxor qui a fait une soixantaine de morts le 17 novembre 1997, n'était pas en odeur de sainteté en Egypte. Ibrahim laisse passer le temps, collabore avec d'autres publications avant de faire renaître Al-Doustour de ses cendres. Son obstination confinant au sacerdoce, le journal réapparaît enfin en 2005. Son ton iconoclaste, ses articles qui égratignent les institutions du pays, ses attaques contre le président Moubarak ravissent le lectorat. Très vite, Al-Doustour atteint le cap de 130 000 exemplaires. Le succès est tel qu'un jour, Ibrahim reçoit une lettre émouvante d'un prisonnier qui lui confie que son journal est le plus lu dans les prisons d'Egypte. Réponse du rédacteur en chef : « Je pense lui écrire pour lui dire que je vais probablement bientôt pouvoir lui répondre de vive voix. » L'humour encore et toujours, l'humour même dans les situations les plus délicates. Evidemment, tant de succès déplaît fortement aux autorités égyptiennes. Alors que le président a promis des mesures en faveur de la liberté d'expression, les atteintes contre la presse ne seront jamais aussi fortes que durant ces deux dernières années. Les promesses n'engagent que ceux qui y croient, dit-on. A l'heure où la succession de Hosni Moubarak est ouverte, son fils Gamel est bien parti pour prendre sa place, le moindre article touchant à la santé du président ainsi qu'à son entourage devient suspect, douteux et donc susceptible d'être jugé offensant et diffamatoire. « Il faut faire descendre Moubarak du statut de pharaon à celui d'être humain », tonne Ibrahim Eissa, qui se défend de verser dans la rumeur pour vendre du papier. « Nous n'avons pas diffusé la rumeur, dit-il. Nous avons publié des articles au sujet de la rumeur : la différence est de taille. Partout, sur internet, dans la rue, se répandaient des bruits sur les problèmes de santé du président, ou sur sa mort. Tout journaliste en prise avec la société en entendait parler. Il était donc naturel de l'analyser, en tant que phénomène politique. Je n'ai fait que mon travail de journaliste. » Parler de la santé du président ne devrait pas être un tabou, préconise Ibrahim Eissa. Penses-tu ! En Egypte, en Algérie, comme ailleurs dans les pays arabes, la santé des dirigeants ne relève pas de la sphère privée, mais du secret d'Etat. Dans une des rares interviews qu'elle a accordées à la presse, Suzanne Moubarak prend la défense de son époux. Dans une remarquable posture de procureur, elle fustige les journalistes en préconisant le châtiment. « Les journalistes, les télévisions ou les journaux qui font état de ces rumeurs doivent être punis », s'offusque-t-elle au cours d'un entretien accordé à la chaîne de télévision Al Arabiya. Au cachot donc Ibrahim Eissa ? L'homme ne craint pas la prison, répète-t-il à l'envi. Ainsi, il pourrait au moins faire la connaissance de ce prisonnier qui lui a adressé une lettre émouvante en décembre 2005.
Bio express :
A 41 ans, Ibrahim Eissa, fils de professeur de langue arabe, n'a jamais véritablement connu d'autre métier que le journalisme. Il est encore étudiant quand, en 1985, il commence à écrire dans Rose Al Youssef, une publication appartenant à l'Etat qu'il quitte en 1995 et qui est depuis devenue l'un de ses principaux adversaires. Après la fermeture, en 1998, du premier Al Dostour, M. Eissa écrit quelques romans, collabore dans plusieurs journaux, présente des émissions sur une chaîne de télévision privée, jusqu'à finir par gagner ses galons de contestataire de premier rang en 2005, en dirigeant le nouvel Al Dostour, véritable concentré de l'opposition dans lequel signent des socialistes, des libéraux, des islamistes. Des jeunes, en majorité, mais moins que lui à ses débuts.


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