La taxe carbone est promise à un bel avenir que la taxe Tobin. En France, les résultats du Grenelle de l'environnement – par référence aux accords sociaux historiques de Grenelle qui ont mis fin à mai 68 - ont intégré la proposition de donner un prix à la pollution. Une « vieille lune » écolo revenue en grâce dans le sillage du réchauffement planétaire et du battage de Nicolas Hulot pour « faire quelque chose ». La taxe carbone financera à moyen terme les mesures « très coûteuses » arrêtées par le Grenelle de l'environnement, comme par exemple la restauration du parc immobilier aux normes d'isolation thermique les plus drastiques : économie de chauffage. L'automne du Grenelle français a été marqué également par la consécration de Al Gore, l'ancien vice-président américain d'un prix Nobel de la paix pour son colossal travail de sensibilisation sur les conséquences du réchauffement climatique. Alger a choisi au même moment de prendre le plein contre-pied de la mobilisation planétaire contre les émissions de gaz carbone et la dégradation de l'écosystème. L'Assemblée nationale a, pour la première session de sa nouvelle mandature, choisi de se distinguer par deux prises de position d'un « provincialisme préindustriel ». Elle a majoritairement rejeté la hausse modique du prix du gasoil et a prolongé l'autorisation d'exploiter le sable des oueds pour la construction. Le ministère de l'Environnement n'a pas bronché. Pourtant la limitation de l'utilisation de l'automobile par le réajustement du prix d'un des carburants les plus polluants est une mesure de bon sens. L'Algérie dépassera cette année la barre des 200 000 nouvelles immatriculations. La surface roulante additionnelle promise par l'autoroute Est-Ouest, la seconde rocade sud d'Alger et le doublement de plusieurs routes nationales dans leurs segments périurbains n'est pas dans le timing du boom automobile. Les émanations toxiques, encore plus importantes dans le trafic ralenti, deviennent un problème enflant de santé publique. L'incidence sur l'effet de serre tout autant. Les Algériens ont pris le parti peu digne de se considérer en tant que « petit pollueurs » comme non concernés par les efforts mondiaux du protocole de Kyoto. Les choses sont en train de vite changer. Avec la perspective d'un PIB tendant vers les 150 milliards de dollars et d'une explosion de la demande énergétique interne, l'Algérie est interpellée pour prendre sa part du fardeau planétaire de la lutte contre le réchauffement. Que propose le gouvernement sur le sujet ? Rien d'exceptionnel. Le parc roulant de l'administration centrale est dominé par le diesel. L'isolation thermique des grands ministères est énergétivore. Sonatrach a certes lancé un programme avec BP pour capter le carbone sur les gisements communs du Sahara. Mais les dépenses publiques au profit du solaire et de l'éolien demeurent insignifiantes. Même le virage vers le nucléaire civil n'est pas assimilé dans la doctrine énergétique algérienne à un souci de réduction de l'utilisation des ressources carbonés mais simplement un palliatif de sécurité nationale. Devant un telle litanie d'inconséquences pourquoi les députés ne voteraient pas la poursuite de l'érosion dramatique du lit des oueds algériens. Pas d'effet direct sur le réchauffement planétaire ? Vite dit, la modification des nappes a une incidence sur le régime des récoltes, oblige à un recours plus grand des engrais et des pesticides… et stimule donc l'une des productions mondiales les plus polluantes. En tournant le dos à Kyoto, Alger se croit en dehors du monde. Il y a six ans à Bab El Oued la pluie du dérèglement climatique était venue rappeler l'évident contraire.