Les Algériens ont peu répondu aux lettres envoyées par les autorités après les élections législatives du 17 mai 2007 marquées par un fort taux d'abstention, le plus bas depuis l'introduction du pluralisme dans le pays. Selon Mohamed Talbi, directeur des libertés au ministère de l'Intérieur, 250 000 réponses ont été envoyées par les destinataires des missives. Ce qui ne représente que 10% des 2,5 millions de lettres expédiées par le département de Noureddine Zerhouni. « Nous avons ciblé trois millions d'électeurs. Ce n'était pas des lettres à vocation politique ou d'interroger les citoyens pourquoi ils n'ont pas voté ou les raisons des choix faits. C'est à peu près un sondage. » Nous avions voulu juste savoir par rapport à l'abstention qui a marqué les élections si cela était dû au fait que les citoyens aient changé de domicile », a précisé Mohamed Talbi, invité lundi soir de l'émission « Sur le vif » qu'anime Ahmed Lahri sur Canal Algérie. Pour le représentant du ministère de l'Intérieur, il fallait confirmer le travail d'assainissement introduit sur le fichier électoral et savoir s'il y avait des insuffisances ou des ajustements à apporter. « Nous avons eu des réponses significatives de la justesse de cette méthode. Une méthode que nous n'avons pas abandonnée. Nous allons poursuivre au-delà des élections locales pour avoir des listes électorales qui seraient très fiables », a-t-il ajouté. Il a annoncé l'existence d'un fichier électoral national informatisé et de quatre fichiers régionaux. « L'objectif est d'avoir un fichier assaini où il n'y a pas de multiples inscriptions. On pourra faire plus tard un travail scientifique sur les opinions », a-t-il dit. Le ministère de l'Intérieur s'est basé — fait nouveau — sur les résultats de la consultation référendaire de septembre 2005 sur la charte pour la paix et la réconciliation nationale. Ce qui confirme d'une certaine manière que la participation à ce référendum était bel et bien faible. Même si à l'époque les autorités avaient annoncé un taux de participation de 79,76% et une adoption de la charte à 97%. Si le taux était à ce point important pourquoi envoyer 2,5 millions de lettres aux citoyens qui se sont abstenus de voter ? Pour rappel, des partis, comme le FFS ou Ennahda, avaient critiqué la méthode de Noureddine Zerhouni, qualifiant la démarche de nouvelle manœuvre visant « à faire pression et à terroriser les citoyens » Sur un autre plan, Mohamed Talbi a annoncé qu'un comité interministériel s'est penché en juillet 2007 sur la réforme des finances locales. « Des propositions ont été faites », a-t-il dit sans en préciser la teneur. Il a remarqué que la fiscalité qui revient à certaines localités est dérisoire. Il faut, selon lui, remédier à cette situation. Mais il s'est interrogé sur le sens de « l'autonomie financière » pour une commune qui est « totalement subventionnée par l'Etat ». L'autonomie financière est prévue dans l'actuel code de la commune et de la wilaya. Il a estimé qu'il n'était pas opportun de présenter le nouveau code avant le scrutin du 29 novembre 2007. « Pensez-vous qu'en dix-neuf jours de campagne électorale on pouvait préparer le texte en convoquant le conseil de gouvernement et le Conseil des ministres pour le faire adopter ? (...). On ne veut pas amender ce texte dans la précipitation », a-t-il dit. Noureddine Zerhouni, ministre de l'Intérieur depuis 1999, n'a pas cessé de promettre, à l'approche de chaque session parlementaire, de présenter le nouveau code de la commune et de wilaya, texte déjà amendé en 1990 à l'arrivée des élus du FIS aux APC, après les locales de juin de cette même année qui furent les premières élections pluralistes de l'histoire du pays. Le ministère de l'Intérieur est, d'après Mohamed Talbi, favorable à l'élargissement des prérogatives des élus. « Mais il faut d'abord stabiliser les staffs au niveau des collectivités locales (...). Durant les mandats écoulés, il y a eu beaucoup de retrait de confiance des présidents d'APC (....). Les nouvelles dispositions vont dans le sens de la protection des élus qui sont là pour travailler », a-t-il noté, relevant que l'abus des retraits de confiance est dû aux « clivages politiques » entre partis. Interrogé sur les déclarations de Saïd Sadi, président du RCD, faites la semaine écoulée à l'ENTV, reprochant au pouvoir de faire dans « le régionalisme d'Etat », le représentant du ministère de l'Intérieur a eu cette réplique : « Cette accusation est infondée. On a accusé à tort l'administration. Nul n'a le droit d'accuser un cadre de l'administration quel qu'il soit et quelle que soit la région (...). Toutes les critiques sont les bienvenues lorsqu'elles sont fondées. » Rejetant la balle dans le camp des partis, il a déclaré que le seul face-à-face utile est : « Dire aux citoyens, je suis là et voilà ce que je vais faire, aidez-moi à réaliser mon programme. » La participation sera-t-elle élevée lors du prochain scrutin ? Mohamed Talbi s'est dit optimiste. « Il s'agit d'élections de proximité. Des jeunes vont voter pour la première fois, c'est un acte important. Le citoyen aura le dernier mot entre les promesses, les discours et les actes », a-t-il souligné.