De gros investissements d'argent et de savoir-faire pointent à travers le monde dans le secteur de la presse via Internet. D'une discussion croisée récemment sur un forum de la Toile s'annonce un site francophone à ambition internationale mené par Edwy Plenel, l'ancien « architecte » de la rédaction du Monde. Ses réponses aux questions d'internautes sont édifiantes. Le tour de table du projet de site - basé sur l'apport des fondateurs et des investisseurs spécialisés dans l'Internet - est à hauteur de 4 millions d'euros, pour un lancement en début 2008, est-il annoncé. Ce site d'information déclaré « indépendant » aura pour credo de se consacrer au « journalisme d'enquête, celui de l'info inédite autour de la grosse actualité », par un collectif de journalistes composé de 25 professionnels. A une question d'un internaute demandant comment Plenel compte t-il sauvegarder en même temps l´indépendance, la responsabilité et la qualité de l´information, le journaliste indique d'abord le principe d'indépendance économique face au pouvoir de l'argent. « Nous sommes, dit –il, la seule grande démocratie qui offre ce curieux paysage : une presse dont les principaux acteurs ne sont pas des capitalistes de presse, mais ont des intérêts ailleurs, dans l´armement, l´aéronautique, le luxe, etc. C´est incestueux, c´est un mélange des genres, cela crée un lien de clientélisme avec le pouvoir. C´est avec cela qu´il faut rompre, radicalement. » A cela les contenus sont tenus de répondre aux normes de qualité, de rigueur, de fiabilité et de profondeur : « Il y aura donc des chartes de qualité, des procédures et, surtout, ce sera un site participatif dont les adhérents seront aussi contributeurs. » En principe éditorial repose la primauté de l'information sur le commentaire : « C´est pour cela qu´il faut des journalistes : pour chercher des informations. Car le commentaire, le point de vue, l´opinion, ce n´est aucunement notre privilège : en démocratie, ça appartient à tous. » Sans ressource de publicité, le modèle économique projeté est basé sur deux auditoires. D'une part avec l'accès aux papiers enrichis et approfondis il y a aura l´abonnement payant. Il dépendra en grande partie de l'adhésion des internautes ; le prix par mois étant moindre que celui d´une place de cinéma, et encore moins cher pour les moins de 25 ans et les chômeurs. D'autre part, une partie du menu est en accès libre et gratuit. En ce forum libre l'un des internautes y a été d'une question de sarcasme. « Vous ne trouvez pas que la France respire un peu mieux, pique t-il, depuis que l´oppression moralisante gauchiste totalitaire que vous animiez en tant que chef du Monde est dissipée ? » Réponse : « Si une opinion que vous ne partagez pas est, selon vous, une "oppression", nous sommes mal partis ! On peut être d´un avis différent : les test ADN, le pouvoir d´achat, le discours de Dakar, le pouvoir personnel, la vente des Echos, les riches plus riches que jamais, les passe-droits, le clientélisme, la brutalité du langage, l´offensive contre des droits sociaux, l´envie de mettre en cause les acquis de 1945, etc. Ce serait plutôt l´hyperprésidence qui étouffe la vie et la pluralité démocratiques. » D'ici Algérie, avec ses termes imagés, notre poète chanteur du Chenoua Baaziz a déjà dit : « les autres (nations) sont entrées dans l'Internet, et nous on est bloqués dans les toilettes. » Quelle juste saisie, sociologique, des réalités du pays. Tout nouveau journal d'information générales qui prétendrait à voir le jour est soumis, ici, à l'imprimatur kafkaïenne de deux ministères : ceux de la justice et de la Communication. D'autorisation d'émettre des sons et des images, ce n'est pas la peine d'y rêver : le champ hertzien est verrouillé par le monopole. Et on imagine l'armada de parachutistes qui ferait siège d'un studio clandestin camouflé sur le territoire national. N'est ce pas une bonne raison d'entrevoir via le Net de meilleurs lendemains du journalisme algérien aussi ?