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A qui sera remis l'ancien milliardaire ?
La justice britannique ouvre le dossier d'extraditionde Khalifa
Publié dans El Watan le 17 - 02 - 2008

L'affaire Khalifa revient sur le devant de la scène à la faveur de l'ouverture, par la justice britannique, du dossier d'extradition formulé par l'Algérie à l'encontre de l'ancien milliardaire, réfugié en Grande-Bretagne.
Comment se présente cette nouvelle procédure qui a pris plus de 5 ans avant de connaître un début de commencement ? Comment et de quoi vivait Rafik Khalifa à Londres avant de se faire incarcérer ? Pourquoi la justice française a-t-elle décidé de remettre en liberté deux anciens cadres de Khalifa alors que leur extradition était réclamée par l'Algérie ? Pourquoi Nadia Amirouchène, l'épouse de Khalifa, n'est-elle pas concernée par une demande d'extradition ? Enfin, que devient cette présidente du tribunal qui a condamné Rafik à la perpétuité avant qu'elle ne retombe dans l'anonymat ? Explications.
Rafik Khalifa, maintenant C'est du sérieux !
C'est donc officiel : les juges britanniques peuvent enfin entamer l'étude du dossier de l'ancien patron du groupe Khalifa, Rafik Khalifa, réfugié à Londres depuis mars 2003. Incarcéré sous écrou extraditionnel dans une prison londonienne depuis avril 2007, l'ex-milliardaire a été entendu le 22 janvier dans le cadre d'une enquête préliminaire sur la base d'une demande d'extradition transmise par la justice algérienne le 30 octobre 2007. Selon des sources proches de l'affaire, les auditions de Rafik Khalifa commenceront dans le courant du mois de mars prochain. Bien sûr, cette nouvelle procédure sursoit à la décision prise le 29 août 2007 par le juge Anthony Evans, du tribunal de Westminster City, autorisant l'extradition de Khalifa vers la France, où il devait être jugé pour banqueroute et blanchiment d'argent. Longtemps avant que n'intervienne son incarcération, l'ex-golden boy, condamné par contumace à la réclusion à perpétuité en mars 2007 par le tribunal de Blida, s'est montré plutôt coopératif avec les autorités britanniques. Régulièrement convoqué par des agents de Scotland Yard, il s'était prêté volontiers à de longues séances de débriefing au cours desquelles il avait expliqué les mécanismes de fonctionnement de son groupe, non sans donner au passage les noms de quelques pontes du régime qui avaient bénéficié de ses largesses. Va-t-il livrer les documents et les preuves dont il dit être en possession aujourd'hui qu'il se sait acculé ? Lors d'un entretien accordé en janvier 2007 à un confrère algérien, Rafik Khalifa avait en effet promis d'en dévoiler le contenu « au moment opportun ». « L'affaire Khalifa n'est pas simple, affirme-t-il à l'époque. Elle fait partie des secrets d'Etat et je ne suis pas prêt, à l'heure actuelle, à en parler. » L'affaire étant aujourd'hui entre les mains de la justice britannique, Khalifa n'a d'autre choix que de sortir ses dossiers sous peine de compromettre son exil londonien. Mais entre l'audition du prévenu et son éventuelle extradition vers Alger, la procédure risque de prendre du temps, beaucoup de temps. Non seulement l'homme est déterminé à empêcher son retour vers le pays – Khalifa s'est assuré l'été dernier les services d'un célèbre cabinet d'avocats londonien –, mais la justice britannique est réputée pointilleuse et sourcilleuse en matière d'extradition. N'a-t-il pas fallu 10 ans de batailles judiciaires pour que Rachid Ramda, soupçonné d'être l'instigateur des attentats qui ont ébranlé Paris en 1995, soit extradé vers la France ? Par ailleurs, si la demande adressée par le département de la justice à son homologue britannique ressemblerait davantage à celle introduite en France pour l'extradition de Kebache Ghazi et Mohamed Nanouche, tout porte à croire qu'elle serait d'emblée rejetée par les juges britanniques.
Du Dorchester à une cellule de prison
Des suites du magnifique hôtel The Dorchester (entre 1450 et 8700 euros la nuit), près de Hyde Park, à une cellule de prison londonienne, Rafik Khalifa aura transhumé du paradis au purgatoire. Lorsqu'il s'installe à Londres en mars 2003, l'ex-tycoon était encore un homme riche, très riche même. Suites faramineuses dans les palaces, somptueux dîners dans les restaurants chic de Londres – il avait table ouverte au Bibendum, un restaurant très select de Fulham –, virées nocturnes bien arrosées dans les boîtes de la capitale anglaise, deux chauffeurs, une berline noire, un garde du corps – ancien vétéran de la guerre des Malouines –, un magnifique appartement dans le quartier huppé de Knightsbridge, rien n'était trop beau pour la vie luxueuse et tapageuse du patron. Mais alors d'où provenait le fric alors même que le groupe était déjà mis en liquidation en mai 2003 et ses filiales dépecées ? C'est que non seulement Rafik Khalifa disposait de plusieurs comptes en Angleterre, mais il pouvait encore compter sur un précieux collaborateur, directeur de Khalifa Airways en France, qui le pourvoyait en fonds avant que celui-ci ne soit mis en examen par une juge d'instruction de Nanterre et placé sous contrôle judiciaire pour « abus de biens sociaux, banqueroute, détournement d'actifs, dissimulation de comptabilité et recel de ces infractions ». Bien sûr, à tout cela s'ajoutait un chèque mirobolant de 3,3 millions d'euros, solde de la revente des trois villas de Cannes (achetées 35 millions d'euros et revendues 17 millions d'euros), remis le 9 juillet 2004 à l'aéroport Heathrow par un notaire parisien. Cinq ans après le début de son exil, la fortune qui permettait de dépenser sans compter a fondu comme neige au soleil. Oh, mais Rafik ne traîne pas pour autant le diable par la queue. Certes, répétait-il à l'envi aux enquêteurs britanniques, « je n'ai plus de fortune », mais il n'est pas pour autant un homme totalement désargenté. Aux rares personnes à qui il se confiait encore peu de temps avant son incarcération, il affirmait vivre chichement de la générosité de ses proches restés en Algérie ainsi que de quelques amis restés fidèles.
L'énigme madame Khalifa
Le cas de Nadia Amirouchène, épouse Khalifa au civil, relève de l'énigme judiciaire. Impliquée dans les affaires douteuses de son mari, elle est visée, depuis fin 2003, par une procédure judiciaire ouverte par le tribunal de grande instance de Nanterre (région parisienne) pour « abus de confiance, banqueroute par détournements d'actifs, banqueroute par dissimulation de comptabilité et blanchiment en bande organisée ». En clair, la justice française la soupçonne d'avoir détourné, au même titre que son mari ainsi que trois de ses anciens collaborateurs, de l'argent, des titres et des actifs de trois filiales du groupe Khalifa, Khalifa Airways, Khalifa Rent a Car et Antinea Airlines (une filiale du groupe cédée à la compagnie Aigle Azur). En conséquence de quoi, ces trois entreprises ont été liquidées, laissant ainsi sur le carreau plus de 100 salariés et provoquant un trou financier de près de 100 millions d'euros. En vertu d'un mandat d'arrêt international lancé par les autorités algériennes, la police française décide de passer à l'action le 29 mai 2007 en procédant à l'arrestation de Nadia Amirouchène ainsi que de deux autres anciens collaborateurs de Khalifa, Mohamed Nanouche et Kebache Ghazi. Contre toute attente, Nadia sera libérée au bout de 24 heures de garde à vue. Selon les documents auxquels nous avons pu accéder, Mme Khalifa ne figure pas parmi les personnes visées par la demande d'extradition adressée par les autorités algériennes à la justice française. Oubli, erreur administrative de la part du département de la justice algérien, omission volontaire, toujours est-il que Nadia Amirouchène ne fera l'objet d'aucune demande d'extradition de la part du gouvernement algérien alors même qu'elle est condamnée à 10 ans de réclusion criminelle par le tribunal de Blida.
Quand Nanouche balançait des noms de pontes du pouvoir
Comme il fallait s'y attendre, la demande d'extradition formulée par l'Algérie à l'encontre de Kebache Ghazi et de Mohamed Nanouche, deux ex-cadres de Khalifa réfugiés en France, a fait pchiitt. Dossier vide, faits imprécis, preuves inexistantes, le tribunal de grande instance de Paris a donc définitivement rejeté le 30 janvier dernier la demande algérienne en remettant les deux prévenus qui avaient été arrêtés le 29 mai 2007 sur la base d'un mandat d'arrêt international émis par l'Algérie le 15 mars 2005. C'est que Ghazi et Nanouche sont loin d'être des sous-fifres. Le premier a été au cœur du disque dur du groupe Khalifa alors que le second était directeur adjoint d'El Khalifa Bank à El Harrach avant de diriger un temps Khalifa Airways en France. Profitant de son temps de parole lors d'une audience du tribunal de Paris, Nanouche s'est fendu de quelques révélations édifiantes sur les liens qu'entretenait l'ancien milliardaire avec des puissants de pouvoir algérien du temps de sa splendeur. Que dit Nanouche de si grave, de si particulier ? Que Abdelghani Bouteflika, le frère du Président, par ailleurs ancien avocat du groupe Khalifa, avait acquis avec l'argent de Khalifa Airways un luxueux appartement dans un quartier huppé du 8e arrondissement parisien (selon des sources proches du liquidateur Moncef Badsi, cet appartement aurait été ensuite vendu aux enchères en 2007). Que Rachid Maarif, ancien directeur du protocole présidentiel, aujourd'hui ambassadeur à Rome, s'est offert, par l'entremise encore une fois de Khalifa, un beau pied-à-terre dans l'avenue de la Grande Armée, à deux pas des Champs Elysées. Que la fille de Larbi Belkheir, ambassadeur d'Algérie à Rabat, avait guichet ouvert auprès d'El Khalifa Bank. Qu'enfin Saïd Bouteflika aurait obtenu des cartes de crédit illimité lors d'une escale de Khalifa Airways à Dubaï en 2002. Bien sûr, comme par hasard, les noms de ces vénérables personnages ne figurent pas dans le dossier d'accusation lorsque le procès Khalifa s'est ouvert le 8 janvier 2007 au tribunal de Blida. Désormais libres – Nanouche est en attente d'un statut de réfugié politique en France –, il faudrait plus qu'un miracle pour que les deux hommes puissent un jour se présenter devant la justice de leur pays pour s'expliquer sur leurs rôles respectifs dans la déroute du groupe Khalifa.
Que devient la Dame de fer de Blida ?
Voilà encore une autre énigme liée à l'affaire Khalifa. Tout le monde se souvient de cette présidente du tribunal criminel de Blida, Fatiha Brahimi, surnommée la Dame de fer. Cette élégante magistrate s'est illustrée par une maîtrise parfaite du dossier, par son caractère bien trempé et ses répliques à même de déstabiliser le plus coriace des avocats. Alors que l'on pouvait s'attendre légitimement à une promotion pour avoir dirigé haut la main un procès complexe, Fatiha Brahimi n'a pas tiré le gros lot et continue de présider la chambre pénale du tribunal de Blida. Pourtant, d'autres acteurs liés à ce dossier ont bénéficié de promotions sitôt le procès achevé. Le président de la chambre d'accusation dudit tribunal, Ahmed Mahdjoub, sera nommé président de la cour de Djelfa. Abdelli Mohamed, l'intraitable procureur général du procès, ancien procureur près le tribunal de Chéraga, sera nommé procureur général près la cour de Djelfa. Pourquoi diable Fatiha Brahimi ne figure-t-elle pas dans la liste des heureux bénéficiaires du mouvement qui a touché le corps des magistrats en juillet 2007 ? « Il n'est pas normal, s'interroge un avocat du barreau d'Alger, qu'elle ne soit pas promue lorsqu'on se penche sur la manière avec laquelle elle avait géré cette affaire. » Oui, anormal... Il se murmure que la chancellerie n'aurait pas apprécié que madame la Présidente rende son verdict sans que celle-ci ne soit étroitement associée dans l'élaboration de la décision. Il se murmure aussi que Mme Brahimi payerait le prix de son audace, de sa volonté de s'affranchir de toute tutelle, de toute chapelle dans la gestion du procès Khalifa. Bien sûr, ce ne sont là que des rumeurs, rien que des rumeurs...


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