Deux des 13 armateurs, dont les bateaux de pêche payés à hauteur de 80% au constructeur turc ANA Grup et non livrés à l'échéance contractuelle d'août 2005, se sont manifestés. Ils sortent de leur mutisme après avoir constaté que le dénouement promis par le ministère de la Pêche n'est pas près de se concrétiser. Nos interlocuteurs sont du port de Beni Saf et parlent au nom des 11 autres promoteurs floués. Deux d'entre ces derniers, un armateur de Beni Saf et un autre d'Alger, sont partis à Istanbul avec 15% de rallonge sur le prix initial de 500 000 euros de leurs bateaux, une rallonge concédée par le ministère de la Pêche suite au chantage du constructeur turc pour livrer les bateaux. « Nos collègues partis là-bas depuis 25 jours afin de faire activer les travaux de construction vont revenir bredouilles parce que le chantier naval a été vidé de tout ce qui constitue la réalité d'un chantier de ce type : le matériel et le personnel », nous dit-on. Ahmed, qui avait versé 90% du prix de son sardinier, a connu la même mésaventure. Il avait été en Turquie en juillet 2007, déboursant un surplus de 35 000 euros pour obtenir la livraison de son bien. Il y a été, en vain, à attendre pendant cinq longs mois, vivant sur son bateau. Récemment, il s'est décidé à repartir à Istanbul et à rapatrier son sardinier même sans l'appareillage électronique et sans l'armement manquant (filet, grue et deux canots). Il vient cependant d'apprendre de l'ambassade que le visa lui a été refusé parce que la période qu'il avait passée à attendre la livraison de son bateau dépassait la durée du séjour permis. Il avait été incriminé d'immigration clandestine, cela bien qu'au moment du dépôt de sa demande de visa, il avait expliqué les tenants et les aboutissants de son affaire. Son statut de victime n'a pas été pris en compte. « Pour l'ambassade, c'est une affaire commerciale qui ne la regarde pas. » Son compagnon, lui, n'a pas l'intention d'aller récupérer son bateau. « Comment voulez-vous ? Si au moins, il ne lui manquait que l'armement ! Il n'a même pas de moteur ! Moi dans cette affaire, ce qui me désole le plus, c'est que je n'ai à perdre que 10%, ce qui quand même représente 8 millions de dinars sur les 80% acquittés. Le reste, c'est 40% de subvention au titre du PRSE et 50% de crédit bancaire remboursable à partir de la livraison du bateau. Or, le bateau n'est pas livré. Qui va récupérer les deniers publics ? Notre pays n'a-t-il vraiment aucun moyen de rétorsion ? Ce qui me désole également, c'est que mes biens hypothéqués au profit de la banque ne m'appartiennent plus vraiment », nous dit-il.