Cette après midi de jeudi, en la Bibliothèque nationale, l'association Les Amis de Abdelhamid Benzine organise la troisième édition du Prix de journalisme qui lui est consacré chaque deux années. Pourquoi un prix de journalisme au nom de l'ancien journaliste et directeur du journal Alger Républicain, crée en 1938, et encore « sphinx qui renaît de ses cendres », va-t-on encore s'interroger ? Parce le phénoménal rendu journalistique et le combat du titre pour l'évolution de la société algérienne - du diktat colonial à l'autoritarisme des usurpateurs de l'indépendance – est aussi un gisement de repères pour accompagner la profession de l'Algérie d'aujourd'hui. Les soixante dix années de l'histoire récente de l'Algérie sont copieusement vivantes dans ce journal. Y ont prêté leurs plumes, et leur souffle d'inspiration, d'illustres créateurs du pays : d'Albert Camus à Kateb Yacine, mais aussi Saïd Mekbel diverses sensibilités ont accompagné des rendus de reportages dans le pays profond, en guerre, ou dans les domaines autogérés sous l'enthousiasme de l'indépendance. Les correspondants locaux d'Alger Rép étaient la bête noire des renseignements généraux (RG) de l'Etat colonial durant la guerre de libération nationale. A une guerre sans image ils apportaient des tranches de vie de résistance. Aux autoritaires héritiers de l'indépendance ils ont apporté le contrepoint de la démocratie. Benzine a été au front de ce collectif d'Alger Rép. Si la perversion structurelle qui a marqué la naissance de journaux de droit privé au début de la décennie 90 l'a singulièrement frappé au point de venir à bout de sa résistance physique – déjà entamée par les sévices des camps coloniaux et des « frères » d'indépendance – Benzine a quand même, en incurable journaliste esclave de sa plume jusqu'au bout, relancé Alger Rép. C'est une bribe de poème d'un journal édité à l'aube de la terreur (Alger Rép du 10/11 mai 1991) qu'il nous semble bon de réentendre aujourd'hui : « Mohamed Khadda, Bachir Hadj Ali aujourd'hui : comment leur reprocher de nous avoir quittés en ces douces nuits de mai, nous laissant perdus et éperdus, orphelins dans notre beau pays où les chants et les couleurs se font clandestins ».