Catastrophe climatique, famine ou explosion démographique : en prévision d'un futur peu réjouissant, la Norvège a inauguré, mardi dernier, une gigantesque banque de semences de plantes cultivées en plein Arctique norvégien. Le principe est simple : les pays qui le souhaitent peuvent déposer leurs graines dans ce congélateur pour les générations à venir. Elles ne seront accessibles que quand toutes les autres réserves auront été détruites ou épuisées. Plus de 170 pays donateurs sont déjà sur les rangs, selon le Fonds fiduciaire mondial pour la diversité des cultures The Global Crop Diversity Trust, créé par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture en 2004, en charge du projet de conservation des semences vivrières. C'est ainsi que l'écologiste kényane et prix Nobel de la paix, Wangari Maathai, et le Premier ministre norvégien, Jens Stoltenberg, ont symboliquement déposé du riz dans une des chambres froides construites sur l'île Svalbard, à 1000 km du pôle Nord. L'emplacement a été choisi pour son isolement — seuls 2 300 habitants y vivent, aucune culture n'y pousse — et sa stabilité politique. À l'abri d'une éventuelle fonte des glaces Une belle initiative mêlée d'un défi technique, puisque la réserve est creusée à flanc de montagne, directement dans le permafrost (le sol est gelé en permanence). Les murs en béton mesurent 1m d'épaisseur. Quant aux échantillons de semences usqu'à 4,5 millions sont stockables ils pourront résister à une coupure de courant et à une éventuelle fonte des glaces, puisque la construction se trouve à environ 130 m au-dessus du niveau de la mer. L'installation agit comme un phare réfléchissant la lumière polaire les mois d'été, alors qu'au printemps, un réseau de 200 câbles en fibre optique donnera au bâtiment une lumière blanche-turquoise adoucie. Les duplicatas des graines seront entreposés dans des salles indépendantes reliées par un couloir de 100 m — soit au total plus de 1000 m2 — et dans des conditions optimales à -18°C. A cette température et le niveau d'humidité maintenu, les semences pourront rester viables pendant des dizaines d'années, des siècles, voire même des milliers d'années : l'orge peut tenir 2000 ans, le blé 1700 ans et le sorgo presque 20 000 ans ! La Banque nordique de gènes, spécialisée dans la conservation et l'utilisation des ressources génétiques végétales des pays nordiques, et chargée d'amasser le plus grand nombre de variétés de semences, assurera la gestion du centre. Les semences entreposées demeureront la propriété des nations donatrices. Le projet prévoit un support financier afin de permettre aux pays les plus pauvres d'utiliser la banque. Coût de la réserve : 6 millions d'euros, entièrement financés par la Norvège. Il existe actuellement plus de 200 000 variétés de riz ou de blé, mais cette diversité disparaît rapidement sous l'effet des maladies, du changement climatique ou des activités humaines. Parallèlement, un autre projet permettra de déterminer si les semences ont toujours la capacité de germer après une période de congélation de 100 ans.