Connaissez-vous la meilleure judokate du pays qui partira défendre les couleurs de l'Algérie aux Jeux olympiques de Pékin ? Ou la plus subversive des chefs de daïra, à Hassi Messaoud ? Ou encore la meilleure comédienne de théâtre élue par un jury international ? Sans doute non. Toutes ces Algériennes ont un point commun. L'ombre. Pourtant, à leur manière, elles font avancer la société. En créant des espaces de parole là où la culture perd du terrain, en sensibilisant les enfants à la protection de l'environnement là où les constructions anarchiques détruisent la nature, en apportant secours et prise en charge là où le pouvoir est défaillant. A l'occasion de ce 8 mars, journée internationale de la femme, El Watan a choisi de leur donner la visibilité qu'elles méritent. Nous ne pouvons en présenter que 30, sélectionnées dans tout le pays, mais il faut voir à travers cet échantillon le reflet d'une réalité : les femmes occupent de plus en plus d'espace. D'après une enquête réalisée en 2006 par le Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle, elles sont 18% à travailler. Il y a dix ans, elles étaient moins de 10%. En politique, dans la justice, dans les médias, elles grossissent les rangs. Ces chiffres sont-ils pour autant une preuve de progrès ? Oui et non. « Les femmes sont de plus en plus nombreuses partout, et après ?, s'interroge Faïka Medjahed, responsable du service santé femmes à l'Institut national de la santé publique. Le pouvoir reste toujours aux mains des hommes. Rien n'est fait pour qu'elles soient dans la réflexion. Le drame, c'est qu'à partir d'un certain niveau, elles n'évoluent plus. Les instances décisionnelles leur restent fermées. La santé est un bon exemple : 70% du personnel est féminin, mais la majorité des chefs de service sont des hommes. Au ministère, les directeurs centraux sont aussi des hommes. Et c'est la même chose dans tous les domaines. Résultat : la société est amputée d'une vision plus près de la réalité. » Pour Nassera Merah, sociologue spécialisée dans l'histoire des femmes, l'explication se trouve dans le fonctionnement même du système. « Considérer une femme comme exceptionnelle permet de maintenir l'ordre social. A partir du moment où l'on casse ce mythe, où l'on considère que les femmes émancipées sont des femmes normales, on met le système en danger. Car cela revient à admettre qu'elles peuvent servir de modèles pour les autres. Et là, conclut-elle, elles représenteraient une réelle menace pour le système tenu par les hommes. »