A peine l'adolescence entamée, ils quittent brutalement le monde de l'innocence pour se retrouver dans celui de la prison. Eux, ce sont ces 560 mineurs détenus dans les établissements pénitentiaires à travers le pays, a-t-on appris de source judiciaire. Agés entre 15 et 17 ans, pour la plupart d'entre eux, ces adolescents ont été condamnés à la privation de leur liberté pour des crimes qu'ils ont commis et dont ils sont eux-mêmes les premières victimes. Parmi eux, trois sont impliqués dans des affaires liées au terrorisme. Ils ont été enrôlés par des groupes armés et se sont retrouvés malgré eux dans l'engrenage de la subversion. Même si ces mineurs bénéficient d'un traitement différent de celui des détenus adultes (à travers la séparation avec les adultes et entre mineurs âgés de moins de 15 ans et de plus de 15 ans, par le fait que les gardiens soient en civil et le fait que les adolescents aient droit à des activités sportives, culturelles et d'apprentissage), ils restent néanmoins des enfants, dont la place est à l'école. Un mémorandum a été adressé vendredi dernier aux plus hautes autorités du pays par la Ligue algérienne des droits de l'homme (LADH), dirigée par Boudjemâa Ghechir, dans lequel il dénonce l'enrôlement des adolescents par les groupes armés et réitère les principes de Paris, adoptés en avril 2007 à l'initiative de l'Unicef. En effet, ces principes estiment que « les enfants de moins de 18 ans, accusés de crime au regard du droit international, soient considérés en premier lieu comme des victimes de violation du droit international et devraient être traités conformément aux normes internationales de la justice pour mineurs ». Pour Me Ghechir, un mineur « doit bénéficier d'un traitement judiciaire particulier, à finalité plus éducative que répressive, qu'il s'agisse de la détention, du jugement ou de la peine encourue ; tous les textes internationaux affirment ce principe. Comme il est reconnu internationalement que la détention des mineurs doit être une mesure de dernier ressort, et la peine encourue doit tenir compte de l'atténuation de responsabilité pénale des mineurs ». Dans ce sens, le président de la LADH a estimé que l'Algérie est dans « l'obligation » de reconnaître que « ces enfants qualifiés de terroristes sont avant tout des victimes. En matière de poursuites pénales, l'effort des services de sécurité doit porter à titre principal contre les individus responsables de l'enrôlement, et non pas contre les enfants eux-mêmes ». Se déclarant « profondément préoccupée » par la pratique d'enrôlement et l'utilisation d'enfants par les groupes terroristes, elle recommande que les enfants accusés de crime, alors qu'ils étaient associés à des groupes terroristes armés, soient considérés comme victimes et non pas comme auteurs présumés d'infraction. Mesures de substitution « Ils doivent être traités conformément aux textes internationaux relatifs aux droits de l'enfant, dans un cadre de justice réparatrice et de réinsertion sociale », a déclaré la Ladh, tout en mettant l'accent sur le recours à des méthodes autres que les poursuites judiciaires, sur l'annulation des condamnations sans possibilité de libération et sur la mise au point de mesures de substitution telles que des peines de travail d'intérêt collectif et des interventions de justice réparatrice afin que les peines privatives de liberté ne soient prononcées qu'en dernier ressort. La ligue a également appelé à l'amendement des dispositions actuelles relatives à l'incarcération des enfants pour réduire leur durée, à l'amélioration des compétences des tribunaux, juges, fonctionnaires de police et procureurs spécialisés dans la justice pour mineurs, notamment en assurant la formation systématique de professionnels et la facilitation d'accès à l'aide juridique à travers des mécanismes indépendants et efficaces habilités à recevoir des plaintes des adolescents. Enfin, la ligue a demandé l'abrogation de l'article 249 du code de procédure pénale qui donne compétence au tribunal criminel pour juger les individus mineurs qui ont atteint l'âge de 16 ans et ayant commis des crimes subversifs ou terroristes, d'inclure dans le code pénal des sanctions sévères contre les responsables de recrutement et d'utilisation des mineurs dans les groupes armés, avec des circonstances aggravantes lorsqu'il s'agit de recrutement ou l'utilisation des jeunes filles mineures, de lutter contre l'impunité et de poursuivre les personnes qui ont recruté des enfants de moins de 18 ans, de garantir à l'enfant la possibilité d'exercer ses droits, parmi lesquels l'éducation, l'unité de la famille, les moyens d'une existence digne, le droit d'être à l'abri du danger. Atteinte aux droits de la personne « Des filles mineures exposées au recrutement forcé pour les groupes terroristes armés et utilisées comme épouses, ou à des fins de relations sexuelles forcées, ou du travail domestique, constituent une atteinte aux droits fondamentaux de la personne ». Pour ce qui est des enfants nés dans les maquis, l'organisation estime que ces derniers risquent de souffrir de problèmes de santé, d'abandon moral, de rejet et de maltraitance et leur statut juridique semble incertain. A ce titre, elle a appelé à ce qu'ils soient enregistrés à l'état civil et que toutes les mesures appropriées soient prises pour faciliter leur réadaptation physique et psychologique ainsi que leur réinsertion sociale.