Le RND d'Ahmed Ouyahia s'est fendu hier d'un communiqué de circonstance pour joindre sa voix à celles de tous ces partis et organisations au pouvoir et dans sa périphérie célébrant les « réalisations exceptionnelles du Président ». Après avoir repris du service chez Bouteflika, comme un bon soldat discipliné, en prenant la route des Indes pour y représenter « personnellement son excellence » au sommet Inde-Afrique, Ahmed Ouyahia a appuyé sur la télécommande de son parti pour y faire jaillir la bonne parole. Le ton est évidemment loin de « ces puissants lobbies qui mettent le feu au pays » ou encore de cette « république des salons » dénoncés véhémentement par Ouyahia il y a quelques mois dans un réquisitoire en règle qu'il avait dressé contre l'état de la gouvernance du pays. Aujourd'hui et par une alchimie politique dont seul le RND semble connaître le secret, le sombre horizon algérien s'est mû en un tableau clinquant qui éclaire la voie largement au-delà de 2009… « Le RND note avec satisfaction les résultats positifs enregistrés sous la conduite du président de la République dans tous les domaines (…), notamment la politique de réconciliation nationale qui a permis d'éteindre le feu de la discorde et réinstaurer la paix dans les quatre coins du pays », lit-on dans le communiqué du rassemblement à l'occasion de la commémoration de la huitième année de pouvoir de Bouteflika. En plus de l'incohérence du discours politique de ce parti qui se décline selon sa posture du moment, il faut noter l'éruption soudaine du culte de la personnalité en vogue dans les régimes staliniens, chez le RND et ses semblables. C'est en effet une première que toutes les administrations et tous les médias publics soient aussi servilement mis à contribution pour la « commémoration » des années de pouvoir d'un homme pour maquiller son bilan que les Algériens d'en bas perçoivent assez clairement. Avait-on besoin d'un tel matraquage si les « réalisations exceptionnelles » étaient à ce point visibles ? Ahmed Ouyahia à qui l'on colle, à tort ou à raison, l'étiquette de « poulain des décideurs » participe lui aussi à cette mystification politique. En acceptant d'enfiler le costume du diplomate alors qu'il n'est titulaire d'aucun poste officiel et, qui plus est, a été limogé en 2006, le chef du RND rend l'équation algérienne absolument insoluble pour les politologues. Et pour cause, Ouyahia et ses troupes se félicitent aujourd'hui des « grandes réalisations économiques (…) qui ont transformé l'image de l'Algérie » et oublient déjà (?) les « lobbies qui mettaient le feu au pays ». « L'autoroute Est-Ouest, le million de logements, la réduction du taux de chômage, le succès des réformes économiques et l'afflux des investisseurs étrangers » sont pour le RND une « preuve » que le deuxième mandat de Bouteflika a été un succès retentissant ! Et pour couronner le tout, le parti d'Ahmed Ouyahia nous apprend dans son communiqué que l'Algérie a « retrouvé son rôle de leader sur la scène internationale grâce aux efforts du président de la République et à sa participation à toutes les manifestations ». Il est cependant curieux que ce parti n'ait pas jugé utile de réitérer son soutien à un troisième mandat qui découle pourtant logiquement d'une telle plaidoirie en ce jour « béni ». Mais ce message suffit déjà largement pour cataloguer définitivement le RND dans la rubrique des soutiens sans réserve à Bouteflika. Qu'Ouyahia soit rappelé à la « maison » confirme bien que les fondements du système sont sains et saufs. La mission du chef du RND en Inde marque sans doute le retour à la « normale » au sérail selon une feuille de route qui mènerait immanquablement Bouteflika vers un troisième bail. Tirer Ouyahia de « l'ombre » pour le mettre au service du Président est un signe qu'un consensus s'est dégagé autour de l'option du troisième mandat. Lui-même a toujours affirmé qu'il ne pouvait se présenter contre le président Bouteflika, ce qui sous-entend que les deux hommes sont sponsorisés par les mêmes cercles décisionnels. Ahmed Ouyahia ferait donc un « bon adjoint » en attendant d'hériter du « trône ». Et pour commencer, il ne faut pas exclure qu'il remplace au pied levé Belkhadem pour booster les bilans et fouetter la machine pour mieux faire passer la pilule du troisième mandat.