Plusieurs personnes ont assisté au recueillement organisé, jeudi dernier, au cimetière chrétien de Diar Essaâda (El Madania), à la mémoire de Henri Maillot et Maurice Laban, assassinés le 5 juin 1956. Les autorités ont pourtant exigé la veille de la sœur de Henri Maillot, Mme Yvette, une autorisation pour la tenue du rassemblement. Une manière de faire un pied de nez à la bêtise, plusieurs compagnons des défunts, des militants du MDS, des survivants du commando Ali Khodja ou encore de simples curieux ont fait le déplacement. La menace était pourtant réelle. « Le wali a dit à la sœur qu'il n'était pas question pour les organisateurs de faire des discours, il suffit juste de déposer une rose. Sauf que des gerbes de fleurs ont été déposées et des discours ont marqué cet hommage qui a duré plus de deux heures », fera remarquer un présent. Les autorités n'ont pas mis à exécution leurs menaces d'interdire ce rassemblement en hommage à « l'enfant du Clos Salembier » et à l'« anticolonialiste » de Biskra ; le service d'ordre, présent aux alentours du cimetière, s'est fait en effet discret. Le Comité des citoyens pour la défense de la République (CCDR) ne manquera pas de réagir en qualifiant dans une déclaration rendue publique le jour même ce fait de viol de la mémoire de la révolution. Pour le CCDR, le « grignotage » des libertés continue avec des procès contre la presse, « réprimant les libertés d'opinion, de conscience et de culte ». Avec l'escalade des menaces, les autorités portent atteinte, cette fois-ci, à la mémoire de « celles et de ceux qui ont donné leur vie non pas pour une cause religieuse mais pour l'indépendance de leur pays, l'Algérie », assène-t-on. Par la décision d'ouvrir des centres de rétention, l'Algérie, relèvent les rédacteurs du document, se coupe de cette autre réalité africaine qui fut toujours la sienne. Pour eux, le pouvoir pousse l'inquisition « jusque dans les tombes des héros de la révolution » et tente « d'imposer deux collèges chez les chouhada après celui opéré chez les moudjahidine ». « Au cimetière, ils furent très nombreux celles et ceux, toutes confessions confondues, qui étaient unis dans le même recueillement », insiste-t-on, en rappelant le mot bien senti de l'abbé Bérenger sur « l'engagement de l'Algérie dans l'histoire à reculons », à l'occasion du débat sur la nationalité à l'Assemblée constituante en 1963.