Des dizaines d'infractions liées au code du commerce sont enregistrées quotidiennement sans pour autant que les textes de lois, pourtant existants, ne soient appliqués. En Algérie, les infractions liées à l'acte de gestion ne sont pas considérées comme telles. Au niveau des tribunaux, on constate qu'il n'y a pas une application des textes de lois. » Cette troublante déclaration est de Mouloud Ameur Yahia, avocat agréé à la Cour suprême. S'exprimant lors du second et dernier jour du séminaire international organisé par l'Association algérienne des ressources humaines (ALGRH), avec la participation de la fondation Konrad Adenauer et de la chambre de commerce algéro-allemande, M. Ameur n'a pas mâché ses mots. Selon lui, des dizaines d'infractions liées au code du commerce sont enregistrées quotidiennement sans pour autant que les textes de lois, pourtant existants, ne soient appliqués. « Alors que dans les autres pays du monde, il y a toujours des affaires de justice inculpant tel ou tel dirigeant, chez nous, il n'y à rien. Cela fait 25 ans que je suis avocat, je n'ai jamais eu connaissance de telles affaires », s'étonne-t-il. M. Ameur regrette l'inexistence en Algérie de jurisprudence pour traiter de la délégation du pouvoir qui, à ses yeux, exonère certains cadres dirigeants de leur responsabilité civile. Il qualifie « d'illégale », par contre, la délégation globale du pouvoir avant de rappeler que 2000 cadres algériens ont été écroués pour avoir fait entorse à la loi. Par ailleurs, un cadre dirigeant originaire de Sétif a saisi l'occasion pour rappeler que le manager algérien n'est pas suffisamment protégé par la loi. « On a peur d'investir. On a peur de prendre des décisions. Il y a un environnement hostile », s'est-il offusqué. De nombreux cadres et managers d'entreprises nationales se sont, en effet, retrouvés entre le marteau de l'obligation de résultats et l'enclume de l'injonction politique. Maître Ali Meziane pense que le dirigeant d'une entreprise publique ne devrait pas accepter une décision issue d'interférences ou d'immixtions politiques. Vivement interpellé sur l'usage de la lettre anonyme dans la dénonciation et la délation, M. Ameur rappelle que la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) avait, par le passé, donné des instructions fermes pour ne pas prendre en considération ces missives. Toutefois, il regrette que ces instructions ne soient pas suivies d'une véritable application. Interrogé sur le rôle de l'avocat dans la défense des intérêts des managers, M. Ameur répond du tac au tac en estimant que le juriste n'est toujours pas associé dans le processus de gestion. « Il n'est sollicité que lorsque le feu est déclenché », ironise-t-il. En bon conseiller, il exhorte les managers à développer des réflexes préventifs, cesser d'appliquer « dangereusement » la loi et promouvoir l'audit au niveau juridique.