Le groupe terroriste Daech a très peu de chances de réussir toute campagne de recrutement ou de guerre en Algérie où l'Etat et ses institutions sont forts et où les forces de sécurité sont remarquablement équipées, a déclaré Dalia Ghanem-Yazbeck, chercheur spécialiste du "djihadisme" et de l'"islamisme radical" au Carnegie Middle East Center. "Lorsque nous voyons où Daech a réussi, comme en Libye ou en Irak, qui sont des +Failed States+ - Etats effondrés - il lui sera très difficile de réussir dans un pays comme le nôtre (l'Algérie) où l'Etat et ses institutions sont forts et où les forces de sécurité sont remarquablement équipées et disposent de plus de dix ans d'expérience en matière de lutte contre le terrorisme", a-t-elle souligné. "Daech n'est pas parvenu à mobiliser les jeunes en Algérie comme il a pu le faire en Irak, en Syrie ou en Libye", a-t-elle soutenu. Les raisons en sont multiples, poursuit la spécialiste, "à leur tête l'expérience de la décennie noire. Les Algériens sont restés profondément choqués de l'expérience des années 1990." "Conquérir des territoires comme il l'a fait en Syrie ou en Irak est de l'ordre de l'impossible en Algérie", soutient la chercheur. "L'histoire nous a montré que même si nous combattons militairement les groupes terroristes, leur idéologie subsiste. L'idée demeurera", a-t-elle encore ajouté. "Daech tel qu'on le connaît aujourd'hui ou plutôt son +califat+ en Irak et en Syrie va sans doute disparaître, mais il va revenir sous d'autres formes. La mutation est une question de temps", a-t-elle prévenu. Dans le même contexte, la spécialiste a affirmé qu'il est important, pour les pays de la région de trouver une solution à la situation sécuritaire en Libye afin d'éviter un "déversement" de terroristes sur les territoiores des pays de la région. "Hormis l'Algérie, il n'y a aucun autre Etat de la région qui possède les mêmes capacités antiterroristes et la même expérience. Malheureusement, cela ne suffit pas, il faut plus de coopération entre les Etats sahéliens en matière de sécurité, mais surtout il faut que les conditions qui font du Sahel une terre fertile aux "activités djihadistes", à savoir l'extrême pauvreté, la marginalisation, l'exclusion, les conditions socio-économiques désastreuses, le manque de gouvernance, soient au plus vite réglés", détaille Mme Ghanem-Yazbeck. "Je pense que nous allons bientôt être témoin de la daéchisation du Sahel vu les défaites que le groupe est en train de vivre en Libye. Je pense que nombreux sont ceux qui vont vouloir revenir en Tunisie certes mais aussi ceux qui voudront aller dans le Sahel car c'est une terre fertile pour ce type d'organisation", a-t-elle averti. "Certains groupes déjà présents sur place ne vont pas hésiter à surfer sur la vague daéchiste pour plus de publicité comme l'a fait le groupe Boko Haram l'année dernière. Je pense que la menace terroriste va perdurer sous sa nouvelle forme daéchienne dans le sens où ce que Daech a réussi à faire, c'est de changer la face du djihadisme dans le monde", a ajouté Mme. Ghanem-Yazbeck.