« Bientôt, je vais siffler la fin de la récréation », aurait dit Rachid Ammar, le chef d'état-major interarmées, à Ali Al Aridh, le ministre de l'Intérieur. C'est la presse tunisienne, citant Mme Sihem Badi, la ministre de la Femme et de la Famille, qui l'annonce. Cette « sortie » du patron de l'armée tunisienne serait-elle une réponse au dernier pavé jeté dans la mare par le ministre de l'Intérieur : « un affrontement presque inévitable » avec les salafistes, des alliés d'al Qaïda, que dirige Seif Allah Ben Hasssine ? Moncef Marzouki, pour sa part, annonce, pour la quatrième fois depuis le départ de Ben Ali, le prolongement de l'état d'urgence. Cette mesure donne à l'armée et à la police l'autorisation de tirer sur tout « suspect » refusant d'obéir aux ordres. « Aujourd'hui, le phénomène des salafistes est le plus grand danger pour la Tunisie. Si nous n'arrêtons pas ce courant, nous nous trouverons devant al Qaïda. Je sais que je vais devoir mener une grande bataille », avait annoncé dans une récente interview au journal Le Monde, le patron de l'Intérieur. Dans une autre déclaration au quotidien El Maghrib (mercredi 28 mars), il révéla que les salafistes tunisiens s'entraînent au maniement des armes et œuvrent à créer des bases « militaires » en Tunisie. L'affrontement serait-il inévitable ? Rached Ghannouchi, le chef d'Ennahdha, y croit. « Le projet salafiste, tel qu'il se manifeste actuellement en Tunisie (port d'armes, appels aux meurtres, profanation du drapeau national...), relève d'un projet de guerre civile avec une dimension terroriste », dit-il. « Aujourd'hui, nous n'avons d'autre choix que de dialoguer avec ceux qui veulent dialoguer et d'affronter ceux qui brandissent les armes et la violence du sabre », précise-t-il. Selon les estimations des Affaires religieuses, ces derniers, « une petite dizaine de milliers » selon des chercheurs tunisiens, contrôlent quelque 400 mosquées et profitent du marasme économique et social actuel pour brasser large. Les islamistes qui manifestent à Tunis pour réclamer un Etat religieux prendront-ils le sens de ces mises en garde contre le « chaos » ? Certains d'entre eux n'hésitent pas à lancer des appels à tuer, y compris l'ancien Premier ministre, Béji Caid Essebsi, et remplacer le drapeau national par l'étendard noir avec la mention ‘'La Illah ila Allah''. Tunis osera-t-elle interdire aux prédicateurs extrémistes d'entrer sur son territoire, comme vient de le faire Paris pour éviter la montée de l'extrémisme et la fitna ?