L'Egypte de Morsi se taille la part du lion dans la marche en avant dans le nouveau paysage politique marqué par le règne sans partage des Frères musulmans, maîtres de l'assemblée constituante réhabilitée et récupérant l'essentiel du pouvoir des mains du défunt CSFA (conseil suprême des forces armées) décapité et bouté hors champ. Le limogeage de l'emblématique maréchal, le général Tantaoui, trônant depuis des lustres sur le ministère de la Défense, et des responsables influents de l'armée (le chef d'Etat major et du renseignement), et le départ du haut conseil militaire des chefs de la marine, de l'aviation et de la défense aérienne, confère au président islamiste des prérogatives « plus importantes que celles de Moubarak ». Une situation « révolutionnaire » ou une « dictature des Frères » ? L'appréciation diverge chez le commun des citoyens qui s'interrogent sur la réalité du CSFA considérée comme « un tigre en papier » et la toute puissance des Frères musulmans sortis vainqueurs de la longue guerre d'usure et déterminées à injecter du « sang neuf » dans la nouvelle Egypte. Si ce « changement générationnel » n'inquiète nullement Washington, bien connu du nouveau ministre de la Défense, le général Abdel Fatah Sissi où il a été en partie formé, le coup de tonnerre de Morsi a soulevé un vent de panique en Israël qui s'interroge sur l'avenir des accords de camp David, l'impact sur le dossier palestinien et la gestion de la situation sécuritaire au Sinaï prise en main par le président égyptien en personne. Le quotidien israélien Maariv précise que le nouveau ministre de la Défense, pourtant « très critique et froid avec Israël », reste toutefois, « très familier des responsables israéliens de la sécurité », particulièrement avec son homologue Ehud Barak et Yitzhak Molcho, émissaire spécial du Premier ministre Benjamin Netanyahu. L'ancien ambassadeur au Caire, Shimon Shamir, a jugé que M. Morsi "est issu des Frères musulmans et, foncièrement, il ne peut pas admettre la légitimité d'Israël, même si pragmatiquement il doit s'en accommoder". A l'ère Morsi, le changement de la donne régionale rompt la digue de la normalisation dépourvue désormais de son contenu politique et limitée à la stricte « coopération militaire » pour combattre le péril terroriste au Sinaï.