En octobre 1960, la Fédération de France du FLN, devant l'accroissement considérable du nombre de condamnations à mort et des exécutions de patriotes algériens en Algérie et en France, lance un appel dont le but est de « mettre chacun devant ses responsabilités ». L'appel déplore d'abord l'indifférence du peuple français « qui se voile la face et feint d'ignorer les assassinats et tortures menées en son nom… ». Il dénonce ensuite l'attitude de l'opinion mondiale, pourtant si prête à se mobiliser pour des causes justes (Caryl Chessman ou les époux Rosenberg) et qui « reste étrangement muette et apprend sans réagir que des Algériens « jugés » sommairement, souvent en l'absence de leurs défenseurs » sont assassinés chaque jour sur ordre de De Gaulle. De Gaulle, ajoute l'appel qui nous demande de « laisser le couteau au vestiaire », continue « à mener sans discontinuer le couperet de sa guillotine ». De Gaulle, enfin, qui dénie officiellement aux résistants algériens la qualité de combattants. Or, souligne l'appel de la Fédération de France du FLN, cette attitude du Président français est en totale contradiction avec celle qu'il a adoptée et âprement défendue quand la France était occupée par l'Allemagne. A l'époque (1940-1945), le général De Gaulle, réfugié en Angleterre, avait lancé un ultimatum aux forces d'occupation allemandes : ou elles reconnaissent le statut de combattants aux résistants français (FFI = forces françaises de l'intérieur) ou il donnerait l'ordre d'exécuter des soldats allemands capturés. Allant plus loin, De Gaulle avait menacé les généraux allemands de les faire juger pour crimes contre l'humanité s'ils refusaient au F.F.I le bénéfice des dispositions contenues dans la Convention de la Haye de 1907. Devant les réticences du Commandement allemand, De Gaulle passa à l'action : pour 80 prisonniers français de Fort-Mont-Luc exécutés, 80 prisonniers allemands sont fusillés… Le cycle exécutions-fusillages se poursuivit un certain temps, puis le commandement allemand céda et De Gaulle eut gain de cause. Les résistants des FFI étaient reconnus comme « des soldats de l'armée française » et bénéficient de toutes les prérogatives prévues par les lois de la guerre. De Gaulle obtient aussi gain de cause lorsque, en 1945, à Nuremberg, des généraux nazis furent condamnés à mort pour crimes contre l'humanité. Contrairement aux nazis, De Gaulle et la France n'ont reconnu que très tardivement – contraints et forcés – la légitimité du combat mené par les résistants algériens pour libérer leur pays de l'occupation française. Et, aujourd'hui encore, aucun général français n'a été condamné pour violations des lois de la guerre ou crimes contre l'humanité. L'appel lancé par la Fédération de France du FLN a certainement fait réfléchir De Gaulle. Il a fallu du temps, mais il a fini par comprendre que le combat que mènent les Algériens pour libérer leur pays est aussi respectable et légitime que son combat contre le nazisme. * Sources : El Moudjahid édition yougoslave. Tome 3 du 14.10.1960.