L'idée de la coalition élargie, préférée au projet mort-né d'un gouvernement technocratique qui a emporté le gouvernement Jebali, sera-t-elle la panacée à la crise aigue qui frappe la Tunisie de Ghannouchi, interpellée par les ratages de la transition inachevée et le marasme d'Ennahda, divisée et affaiblie ? Face à la crise, aggravée par l'assassinat de la figure de proue du camp démocratique, Belaid Chokri, le mouvement Ennahda joue la carte du compromis. « Nous allons entrer dans la phase de composition du nouveau gouvernement qui sera celui de tous les Tunisiens et Tunisiennes, compte tenu du fait que hommes et femmes sont égaux en droits et en devoirs. J'espère trouver un bon accueil auprès des Tunisiens et des Tunisiennes, des partis politiques, des milieux d'affaires, des médias, du monde de la culture et des hommes de religion », a plaidé le nouveau chef du gouvernement, Ali Larayedh. La sortie rassurante est porteuse d'une démarche consensuelle pour tenter de faire face aux maux de la transition en butte à la montée de la violence et au marasme social. Le chantier de Larayedh, en quête d'un soutien plus large, véhicule le projet d'élargissement de la coalition qui, à en croire les effets d'annonce de Ghannouchi, doit intégrer le Wafa (dissidents du CPR) et le groupe parlementaire de tendance islamiste, « Liberté et dignité ». Rien, jusque là, n'est venu conforter l'issue des consultations entreprises avec les différentes forces politiques. Deux jours après sa désignation, Larayedh se confine toujours dans le silence. Mais, outre son bilan contesté à la tête du ministère de l'Intérieur, notamment pour ce qui concerne la gestion du dossier brûlant du courant salafiste et l'assassinat non élucidé de Chokri, le nouveau Premier ministre d'Ennahda est confronté à la persistance des divergences qui secouent la classe politique sur la composante gouvernementale. La question clé des ministères régaliens, ceux de l'Intérieur, de la justice et des Affaires étrangères, est restée en suspens. Alors que la majorité de la classe politique se déclare favorable à leur attribution à des personnalités indépendantes, le niet d'Ennahda est en flagrante contradiction avec le principe du « gouvernement de tous les Tunisiens et Tunisiennes ». Cette appréciation a été confortée par la déclaration du chef du groupe parlementaire d'Ennahda, Sahbi attig, assurant qu'une demi-douzaine de ministères tenus par son parti ne changeront pas de mains. Retour à la case de départ.