L'Egypte est sous haute tension. Le « jour du jugement », prophétisent certains journaux sceptiques sur les chances de normalisation du « navire en perdition » qualifiant la présidendence mouvementée de Morsi, les crises à répétition et les espoirs de changement déçus. Dès lors, Tahrir, la place de prédilection de la contestation pacifique, rêve d'une « seconde révolution » pour se mettre en échec « la dérive islamiste » jugée autoritaire et inefficiente en matière de gouvernance politique et économique. « C'est une deuxième révolution, et Tahrir en est le symbole », scande le charpentier Ibrahim Hammouda, venu de Damiette (nord) prêter main forte dans les manifestations de masse. Le mot d'ordre emblématique, « le peuple veut la chute du régime », est de retour pour concrétiser le déficit de confiance clairement affiché par le mouvement Tamaroud brandissant le « carton rouge » des 22 millions de signataires anti-Morsi. A grands renforts de militants et manifestants, la mobilisation bat son plein. Les deux Egypte se font face dans un duel inédit. Les partisans de Tahrir, soutenus par les protestataires des provinces, défient le régime Morsi dans un pèlerinage initiatique qui longe le palais présidentiel, à Héliopolis, proche du quartier Nasr City, le QG des islamistes qui campent depuis vendredi, pour « défendre la légitimité ». Ils sont rejoints, depuis samedi dernier, par des parlementaires de la Haute Chambre (Choura) démissionnaires et représentatifs à coup sûr du délitement de la transition en crise profonde. De son côté, le PLJ (Parti de la liberté et de la justice) a décrété la « mobilisation générale ». L‘épreuve de force est pleinement engagée. Près de 2 ans après la chute du régime de Hosni Moubarak, l'impasse est toujours de mise. Les clivages se font persistants dans un climat de violence qui a fait, cette semaine, 8 morts dont un Américain. Entre l'Egypte de la place Tahrir, réclamant sans concession la démission de Morsi, et la nouvelle Egypte criant au « coup d'Etat », la fracture est source d'inquiétude. Elle consacre l'échec de la transition conduite par Morsi accusé d'avoir failli à ses promesses d'être le « président de tous les Egyptiens » et de changement économique et social. Pour l'armée, qui se veut garante de la stabilité, le retour aux affaires est plus qu'un cas d'école. Un retour fort remarqué sur la scène égyptienne pour conjurer, dans un déploiement à travers tout le pays et dans des installations vitales, notamment le canal de Suez placé sous haute sécurité, les vieux démons de la guerre civile explicitement évoquée par le président Morsi convaincu de la menace pesant sur « notre expérience démocratique ». Au plan international, l'appel au « dialogue constructif » s'interprète comme un désaveu largement relayé par les alliés occidentaux pliant bagage. Sous haute pression, l'Egypte des Frères musulmans est ainsi invitée, à la veille des manifestations, par Mohamed El Baradei, à « écouter le peuple » en allusion à l'élection présidentielle anticipée revendiquée par l'opposition, toutes tendances confondues. Que fera Morsi ?