La satisfaction des producteurs de blé n'est donc pas totale, durant tout ce mois de Ramadhan ; le stockage et le conditionnement de la récolte leur posent un sérieux problème. De longues files d'attente de tracteurs se forment aux premières heures de la journée devant les silos appartenant à la Coopérative de céréales et de légumes secs (CCLS) de la wilaya, au point que certains ont dû retarder de quelques jours l'engrangement de la moisson. Cela est dû, selon un céréalier de la commune de Zighoud Youcef, au remplissage des silos à la mi-journée. « La CCLS ferme les portes des silos de Zighoud Youcef à 14h, alors que durant le Ramadhan de l'an dernier, le travail continuait jusqu'à 16h. Lors du début de la moisson, fin juin, ils restaient ouverts jusqu'à 18h. La queue devant les silos commence à partir de 3h du matin, et si l'on veut vraiment stocker sa récolte, vaut mieux venir avant 6h du matin, sinon il y a peu de chance que vous puissiez déposer votre récolte au silo. Certains n'ont pu stocker que 25% de leur récolte, ils attendent toujours leur tour pour tout entreposer », nous affirme-t-il. Cet agriculteur auquel il reste trois ou quatre jours avant de terminer la saison de moisson, nous révèle également que tous les docks à blé de Constantine (Beni Hamidene, Hama Bouziane, Zighoud Youcef ou Boudjeraoui) sont remplis, et que certains céréaliculteurs n'ont guère le choix que de stocker dans les wilayas avoisinantes, telles que Mila ou Oum El Bouaghi. « Il nous arrive de stocker la récolte de la journée chez nous dans des hangars, mais certains n'ont pas cette chance et sont contraints de louer un espace dans un entrepôt d'un privé, ce qui revient cher » ajoute-t-il. En dépit des assurances des responsables de la Chambre d'agriculture de la wilaya qui s'attendent à une production dépassant les 1,4 million de quintaux, avaient annoncé dernièrement que les fellahs ne devaient pas s'inquiéter. Or, ces derniers ne sont pas de cet avis et craignent même que le manque d'espaces de stockage risque de compromettre le bon déroulement de l'opération moisson-battage. Il faut savoir qu'en matière de capacité de stockage, la CCLS de Constantine dispose en principe d'espaces pouvant contenir jusqu'à 1.300.000 quintaux, mais face à cette bonne récolte et à la rapidité avec laquelle les fellahs ont travaillé cette année, il semblerait que cet organisme n'aurait pas pris ses précautions pour louer des espaces ou des hangars, comme il l'avait fait l'an dernier avec près de 120.000 ha de terres loués. Les agriculteurs pensent aussi qu'il est grand temps que la Chambre d'agriculture pense à installer de nouveaux silos ou au moins à pallier l'insuffisance des moyens de stockage, compte tenu des performances de productivité de la filière des céréales à Constantine qui fait d'elle la première wilaya du pays. Signalons enfin que les moissonneurs sont peu nombreux à accepter de s'engager durant cette période de jeûne, un problème de taille pour les céréaliculteurs qui constatent, impuissants, que cette main-d'œuvre leur revient très cher : « Cette année, les ouvriers qui acceptent de travailler ont augmenté leurs tarifs, passant de 1.000 DA l'heure l'an dernier pour un conducteur d'une moissonneuse, à 1.400 DA l'heure. Les ouvriers ne veulent pas travailler plus de trois heures, chose qui nous oblige à faire appel aux membres de la famille, des cousins, pour terminer la récolte », nous explique ce fellah de Zighoud Youcef.