Le président Obama, qui a décidé de consulter au préalable le Congrès, est ainsi confronté aux incertitudes de la guerre de Syrie, aggravées par le lâchage de son allié britannique, l'éclatement de la coalition internationale réduite à sa portion congrue et, surtout, minée dans ses fondements légaux par le veto sino-russe au Conseil de sécurité. Dans une brève allocution, Obama a mis en avant l'option de la « sécurité nationale », autorisant nécessairement le passage par le Congrès et palliant les insuffisances de l'argument des armes chimiques jugé « absurde » par Moscou et dénoncé par Damas, criant à la manipulation. « Prête à frapper quand nous le choisirons, demain, la semaine prochaine ou même dans un mois », l'Amérique d'Obama est, toutefois, confrontée aux réticences des élus et de son opinion (53% des Américains hostiles à la guerre, selon le sondage de Reuters/Ipsos). Le feu vert du Congrès n'est pas gagné d'avance. Deux sénateurs républicains influents, John McCain et Lindsey Graham, ont déclaré leur refus de soutenir des « frappes militaires isolées » qui ne s'inscrivent pas dans une « stratégie globale » destinée à changer le rapport de force sur le terrain et mettre fin au régime de Bachar Al Assad. Changement de cap qui viendrait à changer la nature de l'intervention militaire : le renversement du régime en lieu et place de l'opération punitive ? Dans la même journée, le secrétaire d'Etat, John Kerry, a repris langue avec le chef de l'opposition syrienne pour imprimer une tendance à la radicalisation. Plusieurs groupes d'opposition, laminés sur le terrain, tentent ainsi de tirer profit de cette opportunité pour reprendre du poil de la bête. Des plans d'actions militaires ont été adressés aux unités de combat par le Conseil militaire suprême (CMS), la branche armée de la CNS (Coalition nationale syrienne), a annoncé le porte-parole Kassim Saâdeddine, dans un entretien avec Reuters. La démarche d'Obama a été bénie par Paris se préparant, à son tour, à subir l'épreuve parlementaire, mercredi prochain, qui s'annonce houleuse. Harlem Désir, le patron du PS (Parti socialiste), dénonçant « l'esprit munichois » de l'opposition (UMP de Jean-François Copé et UDI de Jean-Louis Borloo), a mis le feu aux poudres. Le chef du groupe parlementaire UMP, Christian Jacob, est monté au créneau pour fustiger les « propos ignobles » du socialiste en chef. « Si ces propos ne sont pas retirés, ils créent les conditions d'un débat parlementaire extrêmement tendu », a-t-il souligné. La France de Hollande est dans tous ses états. Suspendue au tempo américain, elle se prévaut des dispositions constitutionnelles lui accordant le droit d'agir sans passer par l'accord du Parlement (sauf dans le cas express d'une intervention dépassant 4 mois comme au Mali). Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, qui doit recevoir, aujourd'hui, les principaux responsables parlementaires, a assurément du pain sur la planche pour tenter de convaincre une opposition décidée à mener la vie dure à la majorité, désunie. Elle revoit ses ambitions à la baisse alors que, de toute évidence, la nouvelle donne américaine ignore superbement la caution onusienne des enquêteurs rejoignant, dans l'après-midi de samedi, le siège de l'OIAC (Organisation pour l'interdiction des armes chimiques) à La Haye, pour présenter dans un délai de trois semaines, les résultats des analyses des différents laboratoires, déclarés sans effets. Face aux menaces américaines, le président russe, Vladimir Poutine, qui va accueillir, au sommet du G20, la semaine prochaine, son homologue américain dans un face-à-face décisif, a condamné la violation du droit international aux graves conséquences sur les fondements de « l'ordre international ». Damas, appelant le Congrès américain à faire preuve de « sagesse », a vertement stigmatisé le gouvernement français tenu pour « irresponsable ». Pour le vice-ministre syrien des Affaires étrangères, Fayçal Moqdad, le vrai coupable du crime chimique reste « Al-Qaïda et ceux qui sont à sa solde ».