Le site de Tiguentourine a été totalement réhabilité. De nouveaux équipements ont été acquis pour assurer son bon fonctionnement. La propreté et la bonne organisation sont de mise. Les différentes structures ont fait peau neuve, et les traces de ce drame, resté gravé dans les mémoires, ne sont plus visibles. En effet, rien ne laisse penser que ce site a été le théâtre d'une des plus violentes opérations terroristes avec prise d'otages, suivie d'un assaut spectaculaire des forces de sécurité pour sauver des vies humaines et l'Algérie d'une catastrophe certaine. Avant d'arriver à la base de vie, il faut passer par plusieurs barrages de la Gendarmerie nationale. Les véhicules sont passés au peigne fin. Ces mesures préventives ne gênent pas le passage des camions d'approvisionnement du site et la sortie des engins. Pour accéder à l'intérieur de la base de vie de Tiguentourine, il faut d'abord passer par le poste de sécurité. C'est là où est décédée la première victime de l'attaque terroriste, Mohamed-Lamine Lahmer en l'occurrence. Ce poste garde encore les traces de l'attaque terroriste. En effet, les impacts de balles tirées par les assaillants sont encore visibles. « Les terroristes ont commencé à tirer sur le poste. Les agents ont tenté de se défendre jusqu'au moment où ils se sont rendu compte qu'ils ont affaire à des terroristes et non à de simples contrebandiers. C'est Mohamed-Amine Lahmer qui actionné l'alarme. Il est décédé juste après », racontent des agents de sécurité. D'ailleurs, une stèle porte son nom. Notre déplacement sur les lieux s'est effectué à l'initiative d'un groupe de députés, à leur tête Mohamed-Kamel Abazi, dans le cadre d'une visite dans la wilaya d'Illizi. Au programme, une rencontre avec les travailleurs, à l'entrée du site. Essai concluant de l'atterrissage du premier avion sur Tiguentourine Jeudi 6 février 2014 est la date de la mise en service de la nouvelle piste d'atterrissage de Tiguentourine. L'évènement est d'importance, car il vient clôturer la série de mesures prises dans le cadre du renforcement du dispositif sécuritaire déployé au niveau de ce site. « Nous venons d'assister au premier essai officiel de l'atterrissage d'un avion sur la base de Tiguentourine », lance, satisfait, Hocine Bouzdada, directeur du site. « Cela signifie l'inauguration officielle de la nouvelle aérogare aménagée à proximité de la base de vie pour le transport des travailleurs vers le site de Hassi Messaoud et des expatriés vers leurs pays d'origine », a-t-il ajouté. A propos de la reprise de l'activité des entreprises étrangères, il affirmera que les discussions avec les intéressés se poursuivent. « Mais en attendant, je peux vous assurer que la base fonctionne le plus normalement du monde », précisera-t-il. Le retour des étrangers dans ce complexe est tributaire de l'achèvement de la mise en place du plan de renforcement du dispositif sécuritaire. « L'opération est en cours », a indiqué M. Bouzdada. « Le taux d'avancement est de 90% », a soutenu Mohamed Charef, chargé de la sécurité interne du site. La nouvelle piste d'atterrissage, qui vient d'être inaugurée, fait partie dudit plan de sécurité. « Les sociétés étrangères ont affirmé qu'elles se réinstalleront dans les tout prochains mois », a-t-il ajouté. Les séquelles psychologiques toujours là Armés de courage et de patriotisme, les 500 employés algériens du site gazier ont repris le travail. Cependant, ils se remémorent encore les circonstances de l'attentat qui a laissé des séquelles en eux. « Je me suis levé à 5h30 pour faire la prière. A 5h40, j'ai entendu les premiers coups de feu provenant de l'extérieur. Au début, je pensais que ce sont les gendarmes qui abattaient des animaux errants. Au bout de quelques minutes, les coups de feu se sont accentués. Un quart d'heure après, j'ai entendu l'alerte. On avait très peur car elle n'arrêtait pas, ce qui signifie que le danger est important », se souvient Mourad H. « Les consignes de sécurité nous imposent de ne pas quitter les chambres en cas d'alerte. Ce que nous avons fait. Les tirs se sont poursuivis dehors », a-t-il ajouté. « C'est vers 9h que les terroristes ont pénétré dans nos chambres. Ils nous ont fait sortir dans la cour centrale. Nous sommes restés sur place toute la journée. Les terroristes nous ont fait rentrer dans le foyer où nous avons passé la nuit. Ils ont gardé les otages étrangers dans le grand hall de la base toute la journée et même la nuit. Ce n'est que le lendemain que nous avons réussi à fuir la station, après l'arrivée des premiers militaires algériens. » Mourad a réussi à surmonter le choc. « J'ai repris le travail le plus normalement du monde. Les mesures de sécurité ont été renforcées mais les séquelles du traumatisme subi sont encore visibles dans les comportements », a-t-il affirmé. « Les travailleurs sont angoissés et stressés. Des psychologues les prennent en charge grâce à Sonatrach. Il y a eu un bon suivi ici même sur le site, mais il est difficile d'oublier tout cela », note-t-il. Mourad est fier que tous les Algériens aient regagné leur travail. « Nous nous sentons bien sur ce site. Nous avons repris le travail comme avant. Nous nous déplaçons vers les autres bases de la région et ailleurs, comme avant l'attentat. Il n'y a plus aucun risque surtout depuis le renforcement de la sécurité à tous les niveaux », affirme-t-il. Benhamadi Lahcen travaille à Tiguentourine depuis 2003. Lui aussi était présent le jour de l'attaque terroriste. « Après avoir investi le site et fait sortir les travailleurs de leurs chambres, les terroristes ont affirmé qu'ils ne s'intéressent qu'aux étrangers. Les travailleurs ont refusé d'être complices et d'obtempérer à leurs instructions », raconte-t-il. Témoignages émouvants « Nous étions nombreux ce jour-là. Les expatriés ont été maltraités par les terroristes. Ils les ont ligotés et exposés dans le hall de la base durant toute leur présence sur le site, sous la menace d'armes », dira Benhamadi. « Les assaillants ont exigé du chef de projet de leur donner les clefs des voitures. Ils ont également demandé aux ingénieurs de faire marcher le complexe, mais ces derniers ont refusé d'obéir. Ils se sont fait passer pour des cuisiniers ou des chauffeurs, ignorant donc comment manipuler les machines », se rappelle-t-il. « Nous étions pris en otages jusqu'à l'arrivée des éléments de l'ANP. C'est alors que nous avons pu prendre la fuite et l'armée a pu avancer. » Lahcen Benhamadi est parmi les premières personnes à reprendre le travail. « Je suis retourné à Tiguentourine une semaine après l'attaque. Beaucoup parmi les travailleurs ont participé au nettoiement du site et à la relance du complexe », a-t-il affirmé. Charef Mohamed, chargé de la sécurité interne, a, lui aussi, rejoint le site juste après l'attentat. « Je suis retraité. J'ai fait mon devoir de citoyen », dit-il. Après avoir visité le site et discuté avec les travailleurs, Mohamed Kamel Abazi, chef de la délégation parlementaire, a évoqué les objectifs de cette visite. « Notre présence sur ce site n'est pas fortuite. Elle intervient à l'occasion de la première commémoration de l'attentat terroriste survenu à la mi-janvier 2013. Ce jour-là, notre pays a été la cible d'une attaque terroriste, lâche et criminelle, ciblant un site vital et d'une grande importance pour l'économie nationale. Cette attaque a, tout simplement, visé la souveraineté nationale », a-t-il fait observer. L'attaque était, selon lui, d'envergure, vu « l'imposant arsenal de guerre utilisé et son objectif ». « Là, il faut noter que l'Algérie n'a, en aucun cas, cédé », dira-t-il. « La réplique a été à la hauteur du professionnalisme, de la réputation, du sens du sacrifice et du patriotisme des Algériens », a ajouté M. Abazi. « Le traitement et la réaction rapide et intelligente de l'Armée populaire nationale, de la gendarmerie nationale, en coordination avec les différents corps de sécurité, ont été salutaires. Ils ont agi comme un seul homme pour sauver la base, les équipements, l'économie nationale et surtout préserver les vies humaines. Si nous sommes aujourd'hui sur cette base, c'est grâce au grand travail qu'ils ont accompli », dira le député. « Les forces de l'ANP ont accompli leur devoir sans recul ni hésitation. La réaction de nos services de sécurité renseigne sur leur courage et leur professionnalisme. Le succès de l'opération vient une nouvelle fois confirmer la réputation de l'armée algérienne, dont l'expérience est actuellement enseignée dans les académies de guerre les plus reconnues. L'assaut de l'armée est une action algérienne contre le terrorisme, contre la violence et contre la criminalité », a précisé le député. Selon lui, l'après-Tiguentourine est un signe d'espoir. « Notre pays a des hommes qui veillent à ce qu'il reste toujours debout. L'armée assure la protection du territoire, surveille les frontières et préserve les acquis du pays », a-t-il ajouté. Le député de TAJ n'a pas omis de saluer tous ceux et toutes celles qui ont contribué à la remise en marche de ce complexe. « Nous espérons que la production augmentera pour relever le défi et dire au monde entier que l'Algérie ne va pas péricliter. » Des problèmes persistent Après la reprise de l'activité à Tiguentourine, les travailleurs ont fait part de la persistance d'un certain nombre de problèmes liés à l'emploi. « Nous avons des problèmes dus à l'intervention des agences de sous-traitance », a indiqué Benhamdi Lahcen, employé sur ce site depuis 2003. « Nous n'avons pas encore compris de quelle manière a été appliquée l'instruction de la direction générale de Sonatrach qui a demandé l'intégration de tous les travailleurs. Mais il se trouve que les chauffeurs n'ont pas été inclus », a-t-il affirmé. Ces derniers se trouvent ballottés entre le groupement et l'entreprise de sous-traitance. « Nous demandons à être traités au même titre que les autres », a-t-il revendiqué.Une situation qui leur fait craindre la perte de leurs années de travail passées dans ce site. Bouras Mahmoud, représentant des travailleurs concernés, dira qu'ils sont affiliés au groupement Sonatrach-Statoil-BP qui a chargé le sous-traitant de les payer. « Les jugements du tribunal attestent de cette affiliation », a-t-il indiqué. Selon lui, l'instruction de la direction générale de Sonatrach a permis l'intégration du personnel administratif et des techniciens. Les agents de sécurité ont bénéficié d'une intégration à travers des contrats en bonne et due forme. « Il n'y a que les chauffeurs qui sont exclus de cette mesure », a-t-il expliqué. Les travailleurs interpellent les pouvoirs publics pour trouver une solution à leur problème. « Nous aimons ce pays et nous allons nous sacrifier pour lui », dira Benhamdi Lahcen. Dans ce complexe, tous affirment il n'y a pas de différence entre les Algériens, peu importe la région où ils vivent. « Actuellement, il y a 105 travailleurs originaires du Nord, employés à Tiguentourine. Donc, nous sommes tous là pour œuvrer à la stabilité et à la bonne marche du site, sans distinction aucune. »