L'activité commerciale a repris progressivement. Des locaux commerciaux étaient ouverts, en cette journée du vendredi. Dans le lit de l'oued M'zab s'est tenu, comme chaque vendredi, « Souk El Khourda », le marché de bric et de broc. Le samedi, une ambiance particulière régnait au niveau du marché du centre-ville de Ghardaïa qui grouillait de monde. Les policiers et les gendarmes étaient omniprésents. Ils ont pris position dans tous les quartiers sujets à des tensions, les boulevards, avenues, rues, ruelles, places publiques et les édifices publics. Sur la route reliant l'aéroport Moufdi-Zakaria au centre-ville de Ghardaïa, le nombre de barrages fixes relevant des Unités républicaines de sécurité (URS), chargées du maintien de l'ordre, était important. Les véhicules, camions et bus de transport des voyageurs sont systématiquement contrôlés et l'identité des passagers vérifiée. Des policiers des URS ont été également mobilisés devant les postes et les sièges de daïra, alors que d'autres ont été déployés dans les quartiers. En patrouilles pédestres, ils effectuent des opérations de contrôle de tout individu « suspect ». Les habitants ne semblaient guère gênés ou inquiétés par leur présence. « Ils sont là pour assurer la sécurité et c'est une chose positive », estime un marchand de légumes. Avis partagé par un chef de famille venu faire ses achats. Dans ce lieu d'activité commerciale partagé entre Chaâmbis et Mozabites, rien ne signale la présence d'un conflit à l'exception de communiqués affichés sur un mur, signés par la cellule de suivi et de coordination pour le règlement du conflit. Les signataires exigent la réouverture des écoles, le renforcement de la sécurité et l'identification des auteurs, responsables des incidents. Des copies d'articles de presse sont également affichées sur ce mur, dont mettant en exergue la cohabitation exemplaire entre les deux communautés. Plus loin, l'emblème national, de grande dimension, flottait dans une ruelle du marché. « Nous sommes tous des Algériens et sommes très attachés à notre pays. La presse dérive à travers la publication d'informations non vérifiées. Il faut que vous soyez une presse d'investigation et une presse constructive », a lancé un commerçant mozabite. Les enquêteurs ont recours aux caméras 22h passées. Sur la route de la ville touristique de Zelfana, à près de 70 km de Ghardaïa, les gendarmes sont présents « en force ». Des Sections de sécurité et d'intervention (SSI) effectuaient des patrouilles dans les pistes isolées et plongées dans le noir. Le dispositif est appuyé également par une couverture aérienne assurée par deux hélicoptères de la GN, dotés de moyens de vision nocturne. « Les gens sont rassurés par le renforcement de la sécurité », soutient un chauffeur de bus, originaire de Thniet El Mekhzen. « Je tarde la nuit à cause des déplacements mais je suis rassuré par la présence des policiers et des gendarmes dans les quartiers. Ils veillent à la sécurité des familles et de leurs biens ces der,iers temps. Nous avons vécu un vrai cauchemar durant des semaines, nous n'étions pas en sécurité même à l'intérieur de nos maisons », confie-t-il. Selon le chef du groupement territorial de la GN, le lieutenant-colonel Ali Rouane, le renforcement de la sécurité s'inscrit dans le cadre de l'application des instructions du ministre de l'Intérieur à l'issue de sa visite dans la wilaya, en compagnie des chefs de la GN et de la police. « Notre stratégie repose sur l'occupation du terrain, surtout dans les foyers de tension. Des ceintures sécuritaire sont mises en place, et ce, dans le but de maîtriser toute tension ou tout départ de foyers de violence », a-t-il précisé. « On a fait appel aux jeunes pour régler le conflit » Les policiers et les gendarmes ont partagé leur mission. Ils occupent les quartiers chaâmbis de Mermed, Hadj Messaoud et Aïn Lebeau, ainsi que les quartiers mozabites de Baba Ouel Djema, l'institut Aâmi Saïd, Mélika Bas, Belghanem et El Ghaba Sur réquisition du wali, des escadrons d'intervention et de réserve (GIR) ont été déployés à Kseur Ghardaïa, un foyer de haute tension. Des tentes de ces unités chargées du maintien de l'ordre sont installées dans cette région d'une façon permanente. En outre, des gendarmes du GIR ont été déployés à Djebel Oujoujen, qui a connu des affrontements. Des escadrons du GIR ont été également mobilisés sur les hauteurs de Mélika, Boulila, Beni Yezguen ainsi que dans la région de Daya Ben Dahwa « pour assurer la sécurité des oasis à El Adira », a souligné l'officier supérieur de la GN, en plus du déploiement des escadrons de la sécurité routière pour réguler la circulation automobile. Ce qui a permis de déjouer une tentative de trafic de drogue et la saisie d'une quantité d'essence destinée aux émeutiers. En dehors du dispositif sécuritaire mis en place, la Gendarmerie nationale s'est inscrite dans un travail de proximité avec les jeunes de la région des deux communautés. « On a mobilisé des unités pour l'écoute des préoccupations de la jeunesse », a fait savoir le lieutenant-colonel Rouane. Pour sa part, le chef de la sûreté de wilaya, le commissaire divisionnaire Abdelhak Bouraoui, a signalé que 34 individus ont été arrêtés. 26 d'entre eux ont été présentés devant le procureur de la République près le tribunal de Ghardaïa. « Toutes les affaires liées aux homicides volontaires enregistrés lors des incidents ont été élucidées. Les enquêteurs de la police judiciaire sont à pied d'œuvre », a assuré le chef de la police. Interrogé sur la présence d'individus encagoulés lors des affrontements, les deux responsables des services de sécurité ont précisé qu'il s'agit d'individus qui ont caché leurs visages pour qu'ils ne soient pas identifiés et d'autres pour éviter les bombes lacrymogènes. « Il ne s'agit en aucun d'un groupe d'encagoulés organisé », ont tenu à préciser les deux responsables. Les enquêtes se sont appuyées sur les caméras de surveillance. « C'est un outil performant dans les investigations, qui permettra l'identification des auteurs des actes de saccage et de troubles à l'ordre public », a souligné le chef de la GN. Au total, pas moins de 28 unités républicaines de sécurités, ainsi que 18 escadrons et trois brigades mobiles de gendarmerie sont sur place pour renforcer le dispositif sécuritaire. La situation est pratiquement maîtrisée. La plupart des commerces ont repris leur activité et 90% des écoles ont rouvert leurs portes à l'exception des établissements où sont hébergées les familles sinistrées. « Bamako » bis à Ghardaïa Les derniers incidents n'ont pas fait fuir les Subsahariens qui se sont réfugiés dans cette ville. Des familles entières venues du Niger et du Mali se sont installées dans les quartiers de la ville. Au marché, des femmes maliennes habillées en tenues traditionnelles quémandaient en compagnie de leurs enfants en bas âge. D'autres ont pris place à l'intérieur de la gare routière de la ville. « On leur donne du pain, des dattes, des couches pour bébés, des couvertures et des matelas », a affirmé un chauffeur de bus. Les hommes ont plus de chance. « La wilaya est en pleine expansion. Il y a plusieurs projets en cours de construction et on n'hésite pas à recruter des Maliens au niveau des chantiers », a ajouté notre interlocuteur. Chose constatée sur les lieux. « Ils n'ont pas de papiers. Ils travaillent clandestinement, mais l'essentiel est qu'ils sont logés et nourris », a confié le chauffeur.