Hier, pour la énième fois, la capitale de l'est de la Libye, en pleine déliquescence, a connu de violents affrontements entre des troupes loyales à Khalifa Haftar, général à la retraite depuis la fin des années 1980, et deux milices de la région, Rafallah al-Sahati et la base du 17 Février en l'occurrence. Bilan provisoire : quatre morts et trente blessés, selon les services médicaux. Appuyés par des hélicoptères et des avions de chasse, sans ordre apparent du gouvernement, une première, des combattants emmenés par le général Khalifa Haftar, l'une des figures du soulèvement contre Mouammar Kadhafi en 2011, ont bombardé des positions de ces milices proches d'Ansar Al Charia, un groupe inscrit sur la liste des organisations terroristes des Etats-Unis. « Nous sommes encore en train de bombarder les camps des milices pour rétablir la légitimité de l'Etat libyen. Les milices contrôlaient les entrées Est de Benghazi », a déclaré Mohamed Al Hedjazi, qui se présente comme le porte-parole de l'Armée nationale libyenne. « Ce n'est pas une guerre civile. C'est une opération de l'armée contre les groupes terroristes. C'est une opération destinée à purger Benghazi des groupes terroristes », ajoute cet ancien officier de l'armée régulière. Stupeur générale à Tripoli où le chef d'état-major de l'armée régulière est monté au créneau pour annoncer qu'il n'a donné aucun ordre à ses troupes à Benghazi, et encore moins attaquer des « bases ». Il a demandé à l'armée, dans une déclaration à la télévision nationale, de « s'opposer à tout groupe armé qui tente de contrôler Benghazi par la force des armes ». « Nous avons donné des ordres (...) pour intercepter toute force cherchant à pénétrer à Benghazi parce qu'ils n'ont pas de légitimité étatique », affirme le Premier ministre Abdallah al Thinni, qualifiant la force de Haftar de « groupe hors la loi ». Le Premier ministre, également ministre de la Défense, a appelé les unités de l'armée et les brigades des révolutionnaires à garder le calme et respecter scrupuleusement les instructions et ordres qui leur sont donnés. Il a exhorté les habitants de Benghazi à garder leur calme et à préserver la cohésion derrière les forces de l'armée. Deux « sorties » que les médias libyens estiment de trop. « Un hélicoptère de l'armée régulière a été utilisé contre les bases islamistes », disent-ils, citant des témoins. Des analystes tentent un rapprochement entre deux faits : le retour aux affaires du général et l'apparition de ce dernier en février dernier en uniforme militaire à la télévision, appelant à la création d'une commission présidentielle qui gouvernerait jusqu'à la tenue de nouvelles élections. Propos qui ont suscité des rumeurs de coup d'Etat. Pour taire ces rumeurs, le gouvernement a menacé alors le général de poursuites judiciaires. Depuis, plus rien. Et le gouvernement, qui n'arrive pas encore à élaborer la Constitution et former son armée pour mettre hors état de nuire les 700 brigades constituées par d'anciens rebelles qui ont combattu Kadhafi et qui refusent depuis de déposer les armes, découvre depuis hier que des officiers et des unités de l'armée régulière rejoignent avec armes et bagages l'« armée » du général Haftar. Comme l'ont fait bien avant des tribus entières et autonomistes, et ce, pour faire face, disent-ils, à la vague d'assassinats quasi quotidiens et d'attaques des militaires, des policiers, des juges par des groupes terroristes dont le gouvernement n'a reconnu l'existence qu'en mars dernier. Parallèlement à cette « volonté » d'un ex-général, une autre pourrait s'exprimer. « Craignant » le retour des centaines de volontaires libyens, partis en Syrie, soupçonnant Al-Zawahiry et Belmokhtar de se « tailler » un émirat au Sud de la Libye où des camps d'entraînement pulluleraient, les Américains n'excluent plus une intervention militaire. Ils ont déployé mardi une force spéciale de « réaction aux crises », forte de 200 Marines depuis l'Espagne vers le sud de l'Italie.