Photo : Makine F. Ahmed Ouyahia a répondu, hier, aux interrogations des députés suscitées par la déclaration de politique générale. Le Premier ministre a passé en revue, deux heures durant, les interrogations «phares» en promettant d'autres réponses écrites en novembre prochain, et ce en fonction de l'agenda fixé par le secrétariat général du gouvernement. Partant du principe que «l'avis possède assurément un contre avis», Ouyahia défile les réponses, en usant tantôt d'un ton «rassurant», tantôt d'un ton «ferme et acerbe», notamment à l'adresse «des députés de la surenchère», comme il les a qualifiés, pour leur rappeler que «le temps de l'autoritarisme, même verbal, est révolu». Le Premier ministre a, de ce fait, résumé toutes les préoccupations en donnant parfois aux questions locales une dimension nationale. «L'espoir doit rester de mise», ne cesse-t-il de souligner, en mettant en avant les différentes réalisations du programme du président de la République dont il a la charge de l'application. Ce qui ne l'empêche pas de reconnaître quelques «lacunes» auxquelles il faut se consacrer pleinement, «Etat, peuple et élus». D'entrée, il précise que le logement rural manque effectivement, en faisant savoir dans ce cadre que plus de 700.000 nouvelles unités sont prévues pour le prochain quinquennat 2010-2014. Le Premier ministre assure cependant que «l'Etat ne fait pas de distinguo entre les régions du pays». Preuve en est les programmes tracés dans le cadre des lois de finances et les nombreuses décisions prises par le Chef de l'Etat à l'égard des régions du Sud, des Hauts plateaux et de toutes les wilayas du pays. Au registre santé, il a annoncé que les universités algériennes formeront 11.000 médecins spécialistes durant le prochain quinquennat. Ce nombre de praticiens permettra de combler les déficits enregistrés dans certains hôpitaux et cliniques, notamment dans les wilayas du Sud du pays, a précisé M. Ouyahia en regrettant le fait que certains praticiens préfèrent rester au chômage au lieu de travailler au Sud. En direction du député qui s'est interrogé sur les délais de la mise en service du métro d'Alger, M. Ouyahia fera savoir qu'il sera bel et bien opérationnel dès 2011, assurant dans ce cadre que «le réseau avec des rames automatisées est prêt et le personnel chargé de la gestion du réseau a également été formé». Selon lui, le retard pris dans ce sens est lié à «l'achèvement de l'introduction en cours des nouvelles normes de sécurité internationales». «ALGER EST ET RESTERA CONSTITUTIONNELLEMENT LA CAPITALE DE L'ALGÉRIE» M. Ouyahia attire l'attention dans ce sillage sur la nécessité d'exploiter objectivement les informations et ne pas se laisser manipulé par les firmes étrangères. «Il faut avoir l'information à la source», dira-t-il à l'adresse des journalistes en interpellant les ministres pour ouvrir leurs portes grandes ouvertes à la presse. Concernant le sort de la nouvelle ville de Boughezoul, il affirme qu'elle va être réalisée au moment voulu, tout en certifiant qu'elle ne sera en aucun cas la capitale de l'Algérie. « Alger est et restera constitutionnellement la capitale de l'Algérie», a-t-il indiqué. OUYAHIA DESCEND EN FLAMMES LE RCD Le fait marquant de cette intervention demeure la réponse qu'il a réservé aux députés du RCD. «On dit que le pouvoir a déclenché une guerre économique en Kabylie. Voici la réponse du pouvoir. Pas d'Algérie sans Bejaia et Tizi-Ouzou et vice versa», a-t-il dit, en insistant sur les projets de développement réalisés dans ces deux wilayas «indivisibles» du pays. Et d'enchaîner : «Pendant des années, vous avez été otages des ambitions politiques de certains», allusion à la rivalité entre le FFS et le RCD dans cette région du pays. Une déclaration qui a provoqué les protestations des députés du RCD présents à l'Assemblée. «Vous étiez une offrande, des victimes. Dieu merci vous avez pu briser les chaînes». Il poursuit : «Les citoyens ne vous entendent pas. Votre réaction est sans effet sur moi. Je ne suis pas étonné qu'ils se soient trompés de pays comme hier ils se sont trompés de peuple». Pour étayer ses dires, il rappelle que la wilaya de Tizi-Ouzou a bénéficié pour l'année 2010 d'une enveloppe de 2,1 milliards de dollars uniquement pour les Plans communaux de développement (PCD). En réponse à une question d'un député sur le «blocage» d'un projet du PNUD à Tizi Ouzou, il dira : Nous sommes chez nous. Nous avons un droit de regard sur tout ce qui nous concerne» précisant que le projet en question concerne aussi Djelfa, Médéa et M'sila. «LE GOUVERNEMENT ACQUERRA DJEZZY» Le Premier ministre a tenu à défendre la fiabilité de la compagnie aérienne nationale Air Algérie, l'affirmant «sécurisée» et ce en réponse aux spéculations faisant état de son inscription par l'Union européenne sur sa liste noire. A propos de l'affaire Djezzy, M. Ouyahia affirme que l'Etat algérien «acquerra définitivement» cette société, précisant qu'il ne traite qu'avec la partie cosignataire du contrat, à savoir OTH et «nulle autre partie». Cependant, «il existe des procédures internationales de vente, et le propriétaire de l'entreprise se doit d'abord de régler sa situation fiscale vis-à-vis de l'Algérie de l'ordre de 17 milliards de dinars, ainsi qu'avec l'Autorité de régulation (ARPT). Il doit aussi répondre devant la justice qui l'accuse de fraude dans les transferts des capitaux vers l'étranger, comme le stipule la loi algérienne». Au sujet du logement, Ouyahia reconnaît que l'Etat est confronté à différentes contraintes à commencer par le manque d'assiettes de terrain, à l'exemple de la capitale qui ne jouit aujourd'hui, selon lui, d'aucune assiette disponible. Ce qui oblige le gouvernement à acheter des terres privées. Ce qui est une politique défaillante, dira-t-il, en mettant l'accent aussi sur le problème de l'outil de réalisation et des lourdeurs administratives. Au député qui s'est interrogé sur le pourquoi de la réévaluation des projets, le Premier ministre estime que «la réévaluation est une chose qui peut arriver objectivement», en rappelant les nouvelles mesures décidées à cet effet, stipulant que tout projet d'une valeur supérieure à 20 milliards de dinars se doit d'être soumis au CNED avant d'être réalisé. «LA CORRUPTION NE CONSTITUE PAS UN COMPLEXE POUR LE GOUVERNEMENT» Par ailleurs et après avoir rappelé tous les nouveaux mécanismes de gestion et de contrôle des finances publiques, M. Ouyahia revient sur la corruption. «Ce dossier ne constitue en aucun cas un complexe pour le gouvernement. Il s'agit d'un fonds de commerce politique. L'Algérie ne baissera pas la tête devant ce phénomène», affirme-t-il. «Ces antagonistes n'ont dit point de mots sur l'affaire Khalifa et Djezzy, parce que tout simplement ils ont été attirés par la publicité. L'Etat n'a rien à offrir», martèle-t-il avant d'ajouter : «La lutte contre la corruption se poursuivra. Nous la combattrons au même titre que le terrorisme. La lutte contre la corruption n'est pas un discours, mais des actes». M. Ouyahia rappelle à ce titre que le gouvernement a demandé aux entreprises de recourir aux services des avocats dans ce cadre et l'instruction a été donnée à toutes les entreprises publiques pour recourir à ce service. En réponse à l'interpellation d'un député sur le classement de l'Algérie par les rapports des organisations internationales sur la corruption, M. Ouyahia a estimé que ces rapports n'étaient pas «objectifs» parce que l'Algérie refuse tout bonnement de «s'incliner». «L'INFLATION RÉSULTE DE LA SPÉCULATION» En ce qui concerne les chiffres émis par le gouverneur de la Banque d'Algérie et le ministre des Finances concernant le taux de l'inflation, le Premier ministre indique qu' il va baisser à la fin de l'année en cours à 4.6%. «La priorité est à la croissance et non pas à l'inflation qui résulte en premier lieu de la spéculation», précise-t-il. Notons que les deux responsables précités ont avancé des chiffres contradictoires. Selon lui, le chiffre de la Banque d'Algérie est de l'ordre de 3,5%. Concernant le taux de chômage, il confirme que la question ne fait pas l'objet de manipulation en termes de chiffres et les compétences du directeur de l'Office national des statistiques sont «irréprochables».