Le Premier ministre tunisien, Habib Essid, a annoncé, hier, la composition de son second cabinet (27 ministres dont 3 femmes et 17 secrétaires d'Etat dont 7 femmes) revu et corrigé. Fait inédit : absent des joutes présidentielles, le retour remarqué d'Ennahda dans le nouveau gouvernement de « large coalition » dominé par le vainqueur des législatives du 26 octobre 2014, le parti Nidaa Tounès. « Nous avons procédé à des changements, il s'agit d'élargir la composition du gouvernement avec l'entrée d'autres partis comme Ennahda et Afek Tounes », a déclaré Essid lors d'une conférence de presse au Palais de Carthage. Aux antipodes de la dérive sanglante de la plupart des candidats au « printemps arabe », le modèle tunisien innove dans le changement pacifique et la quête consensuelle de la stabilité. A la légitimité des urnes porteuse du nouvel ordre démocratique, l'approche partenariale façonne la nouvelle Tunisie débarrassée des vieilles querelles et fortement marquée par la consécration du pluralisme politique. Une nouvelle Tunisie aux couleurs de la majorité détenue par Nidaa Tounes (86 députés sur 217 que compte le parlement), de son challenger islamiste Ennahda (69 sièges) représenté par un ministre (Formation professionnelle et Emploi) et trois secrétaires d'Etat (mise à niveau des services hospitaliers, Finances, Développement, Investissement et Coopération internationale), et des ses alliés naturels de l'Union patriotique libre (16 députés) et Afek Tounès (libéral, 8 élus). Le gouvernement Essid, qui dispose du soutien confortable de 179 parlementaires (contre 109 voix requises pour la majorité absolue), veut faire vite pour mener la bataille sécuritaire et économique. « Nous n'avons plus de temps à perdre, nous sommes dans une course contre la montre », a martelé, hier, le chef du gouvernement. L'équation est toute simple : la transition démocratique réussie, clairement exprimée par le bilan satisfaisant du double scrutin des législatives et de la présidentielle, est fondamentalement conditionnée par la transition économique et sociale qui constitue la matrice des attentes populaires. A l'ombre du terrorisme qui impose une stratégie de lutte « globale et intégrale », le défi majeur de la stabilité et de la paix civile dicte les réformes de la relance économique pour renouer avec le flux des investissements étrangers en baisse de 5,8% (1,9 milliard de dollars en 2014 contre 2,4 en 2010), combattre le chômage endémique et rompre avec le déficit budgétaire établi à 5,5% (au lieu des 9% prévus). Le technocrate Habib Essid a assurément du pain sur la planche.