Les prisonnières de Tafelfel, un camp érigé par l'armée coloniale dans la bourgade éponyme de la commune de Ghassira, daïra d'Arris, dans la wilaya de Batna, sont sorties de l'anonymat. L'association Machaâl Echahid leur a rendu un vibrant hommage lors d'une rencontre au cours de laquelle elle a recueilli les témoignages de ceux qui ont vécu cette période. Ces femmes ont été internées pour une seule raison : elles étaient les épouses des moudjahidine de la région. Pour cette unique « accusation », elles ont été tirées de leurs maisons et enfermées avec leurs enfants dans un camp étroitement surveillé par des militaires français. « Ces représailles étaient une manière de faire pression sur les époux pour les faire revenir du maquis. Mais c'était sans compter avec l'opiniâtreté et le sacrifice suprême des moudjahidine », comme l'expliquent des témoins de ces évènements. Mais il n'y avait pas que cela. « L'autre stratagème du colonisateur était de récupérer toute les récoltes, les emmagasiner, avant de les redistribuer aux populations selon les besoins et la composante numérale de chaque famille. Une autre manière de couper les vivres aux moudjahidine », rappelle l'historien Mustapha Belkacemi. Dès 1955, 300 femmes et enfants furent internés. Certains de ces derniers venaient à peine de voir le jour alors que d'autres y sont nés. A l'image d'Amari Lahbassi et Berrahmoun Djouadi décorés à cette occasion par l'association. Un moment d'émotion d'autant que des moudjahidine de la région étaient présents. D'ailleurs, cet hommage, initié par Machaal Echahid pour ces prisonnières du camp Tafelfel, l'unique en son genre en Algérie, d'après les habitants, a été chaleureusement applaudi par les citoyens, familles et responsables locaux de la commune de Ghassira. Mais leur souhait le plus cher reste la réhabilitation de ce camp. Khadidja et M'Barka évoquent leur incarcération Khadidja Benamer était à la fleur de l'âge en 1955 lorsqu'elle fut emmenée au camp avec ses trois enfants et sa belle-sœur. Rouée de coups, insultée à longueur de journée, elle a résisté avec courage pour ne pas fléchir devant ses enfants. Pour elle, il s'agissait aussi de continuer à rendre hommage à son mari, Amer Benkhlef, qui combattait au maquis. Lorsque le camp a été détruit sur ses occupants, ce qui a occasionné la mort de 7 femmes et enfants, Khadidja, comme l'ensemble des autres femmes, a été mise en résidence surveillée chez des familles hors de sa localité pour qu'aucun contact ne soit établi avec les siens. Elle fut libérée en 1961. M'Barka Halmat, épouse de Mohamed Bendjenedi, est arrêtée le 10 août 1955 avec son fils Salah alors âgé de 8 mois. Son arrestation est précédée par la destruction de sa maison. Son quotidien dans le camp était fait de brimades et d'insultes. Elle sera libérée en 1961.