Même si leur nombre reste réduit, les personnes en situation de dépendance aux opiacés ne bénéficient pas de tous les soins adéquats, possibles et nécessaires. c'est le constat de praticiens et d'experts en matière de lutte contre la drogue et la toxicomanie, réunis, hier, à l'occasion de la tenue à Alger d'un séminaire euro-méditerranéen sur le traitement de substitution aux opiacés (TSO). Ces spécialistes imputent cet état de fait à la non-introduction du traitement de substitution aux opiacés dans le système national de soins. Comment s'est faite l'introduction du TSO dans les pays participant au séminaire ? Quelles sont les modalités de prise en charge et de suivi des patients auxquels on prescrit les TSO ? C'est autour de ces questions que s'est articulée la première journée de la rencontre, à laquelle prennent part, aux côtés des experts du réseau MED net et du Groupe Pompidou, des spécialistes venus notamment de Belgique, du Portugal, de Malte, de Tunisie et de Jordanie. Pour la partie algérienne, le contexte est caractérisé par un développement important de l'usage des drogues et par un effort considérable des pouvoirs publics pour lutter efficacement contre la drogue et les addictions. Le directeur de l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie, Mohamed Benhala, estime que l'Algérie est le seul pays du Bassin méditerranéen à ne pas avoir introduit ce traitement dans sa politique de lutte contre la toxicomanie, contrairement à d'autres pays d'Afrique du Nord, du Moyen-Orient et d'Europe. Il juge que le moment est venu pour faire connaître le TSO, qui a prouvé son efficacité partout où il a été utilisé. C'est également l'occasion pour considérer l'impact de son introduction en Algérie à partir des expériences des autres pays. Les experts algériens plaideront aujourd'hui, au deuxième jour de cette rencontre, pour l'introduction du TSO dans le système national des soins. L'heure est à l'engagement d'une réflexion sur l'opportunité et les meilleures modalités d'introduction de ce traitement. Selon Mohamed Chakali, sous-directeur de la santé mentale au ministère de la Santé, il n'y a pas urgence, mais c'est le moment d'opter pour cette introduction. Ce spécialiste de la santé mentale juge que la situation est loin d'être alarmante. Il n'y a pas de statistiques fiables ou d'enquêtes reflétant la réalité, mais tout porte à croire, de l'avis de cet expert, que le problème risque de prendre des proportions inquiétantes. D'où la nécessité de se préparer à une telle éventualité. Il rappellera qu'en 2014, le nombre de toxicomanes demandeurs de soins a été de l'ordre 19.000, alors qu'il n'excédait pas les 10.000 en 2012. C'est dire l'effort à faire pour venir à bout de ce problème. « La substitution est spécifique. Elle concerne l'héroïne », a précisé le docteur Chakali, rappelant qu'il y a de plus en plus de consommateurs de ces substances. Selon lui, il faut armer les praticiens spécialisés en leur donnant l'outil qui leur permettra de faire face à cette situation. En matière de prescription, il indique que « c'est un comprimé sublingual quotidien. La dose est calculée en fonction des besoins et de l'état de santé du patient et les prescriptions sont soumises à des contrôles hebdomadaires. Les modalités de prescription de ces produits vont être prédéterminées par ce séminaire avant leur mise en œuvre ». Avantages évidents pour le patient et la société En termes d'efficacité, les intervenants, notamment le secrétaire exécutif du Groupe Pompidou, Jean Malinowski, ont souligné que des milliers de personnes à travers le monde ont bénéficié de cette dynamique médicale qui leur a permis de sortir du cercle de la criminalité. « C'est une démarche avantageuse aussi bien pour la société que pour le patient », a-t-il souligné. Pour les experts portugais, l'introduction du TSO a relativement résolu la problématique de la drogue, considérée des années durant comme un problème majeure pour la société portugaise. Un pour cent de la population portugaise, soit 100.000 personnes, consomme de la drogue. Selon Manuel Cardoso, sous-directeur de Sicad, la stratégie portugaise de lutte contre la drogue est basée sur la décriminalisation de la consommation de la drogue et la définition d'une stratégie pour la réduction des risques. Les experts belges ont, de leur côté, affirmé que la lutte contre la toxicomanie a toujours constitué le cheval de bataille du mouvement associatif. La directrice du Réseau d'aide aux toxicomanes, Claire Rémy, médecin anthropologue et psychanalyste, a tenu à rappeler que les avantages de cette thérapie sont évidents aussi bien au plan sanitaire qu'en matière de diffusion de maladies transmissibles.