Cette sentence, certes sommaire et arbitrairement suggestive, reflète-t-elle véritablement un faible engouement des enfants de cette wilaya pour les études ou bien une fatalité inévitable dont les causes sont solidement enracinées depuis plus d'une décade? Au-delà des éléments de réponse qu'on peut apporter à cette problématique d'essence ambivalente, il faut souligner d'emblée que tous les acteurs de la famille de l'éducation à Djelfa sont formels en assumant objectivement et entièrement les conséquences de ce fardeau, traîné tel un boulet par l'ensemble de la corporation. Toutefois, cette prise de responsabilité n'exprime nullement un aveu d'échec tout court. Loin s'en faut ! La médiocrité des résultats scolaires les a, en quelque manière, fait réagir. En effet, que ce soit pour l'administration, le corps enseignant ou pour les parents d'élèves, les raisons du «sinistre» sont connues et le diagnostic établi a fait ressortir non seulement l'ampleur du phénomène qui ronge l'école à Djelfa, mais aussi l'étendue de ses ramifications dans les trois paliers d'enseignement. Tout de même, ce constat, somme toute, réel, ne fait pas de cette wilaya, qui a enfanté des lumières à travers des siècles dans bien des domaines, une exception sur la carte pédagogique nationale, dans la mesure où la fracture en matière des performances obtenues comparativement avec les autres circonscriptions du pays n'est pas si profonde comme le prétendent certains. C'est ce qu'attestent d'ailleurs les statistiques de l'année dernière. Ainsi donc et devant cette situation, Belalia Douma Abdelhamid, le directeur de l'éducation à Djelfa, en poste depuis deux ans, s'est attelé dès sa prise de fonction à l'établissement d'un état des lieux de l'école dans la wilaya. Cette opération de fond a été, selon lui, nécessaire pour aboutir à un diagnostic objectif concernant les raisons ayant présidé à la situation qui y prévaut actuellement. Sans cela, ajoute-il, aucune solution sérieuse ne peut être envisagée. La conclusion des enquêtes entreprises sur ce registre est, on ne peut plus, formelle. «On a préconisé depuis plus de quinze ans, suite, bien évidemment, à des impératifs, des solutions conjoncturelles qui ne peuvent, par définition, aucunement être maintenues indéfiniment au risque d'obtenir à la longue des résultats inverses que ceux escomptés», souligne-t-il. En d'autres termes, le remède à force de l'administrer abusivement, s'est transformé malheureusement en un mal qu'on doit vite éradiquer. A ceci s'ajouteraient à priori d'autres facteurs contraignants liés d'une part aux «stylos rouges généreux» de quelques enseignants, lorsqu'il s'agit d'établir les évaluations annuelles des élèves, et de l'autre, l'intérêt peu prononcé de certains parents d'élèves pour le suivi de la scolarité de leur progéniture. Parmi ces derniers, nombreux ceux qui attendent la fin de la saison scolaire pour daigner se pointer au portail de l'école dans l'espoir que le cas de leurs enfants, ayant obtenu de piètres résultats, soit reconsidéré, et partant, tenter éventuellement de les intégrer indûment dans les rangs des classes supérieures. À quelque différences près, même son de cloche chez les enseignants. Ceux-ci déplorent aussi le manque d'équipements dont souffre un nombre non négligeable d'établissements scolaires à Djelfa. Les parents d'élèves quant à eux, tout en assumant leur part de responsabilité, mettent en avant le déficit qu'accuse la wilaya en terme de cantines, de ramassage scolaire ainsi que de l'installation de systèmes de chauffage dans les classes, indispensables en hiver où le mercure chute atrocement dans ces contrées. De fil en aiguille donc, c'est la somme de tous ces éléments et manquements qui ont engendré la situation peu enviable qui pèse sur l'école à Djelfa. ADMISSION EN CLASSE SUPERIEURE SANS LE NIVEAU REQUIS Avant tout propos, Belalia Douma Abdelhamid, le directeur de l'éducation, a mis l'accent sur la médiocrité des résultats qui caractérise globalement les trois paliers scolaires, en l'occurrence le primaire, le moyen et le secondaire. «La baisse de niveau enregistrée chez les élèves à Djelfa par rapport aux autres wilayas du pays est née d'un cumul de problèmes qui perdure depuis quinze ans maintenant. Ces contraintes affectent particulièrement, il faut le souligner, le premier palier qu'est le primaire. Parmi celles-ci, le déficit en encadrement, notamment dans l'enseignement de la langue française et le recours, faute de disponibilité de compétences spécialisées, au concours des enseignants qui ne maîtrisent pas parfaitement ou forcément la matière enseignée. Outre ces deux points, il faut dire qu'à travers tout le territoire de la wilaya de Djelfa, il y avait, dans le passé, quelque 200 classes du primaire, soit en moyenne un ensemble de 6.000 écoliers, et ce durant des années, qui ont été encadrées par des enseignants qui dispensent à la fois les cours en langue nationale et en français. Aussi, on ajoute à ce problème, l'existence de 150 classes composées, regroupant à la fois les élèves inscrits dans deux ou trois niveaux différents», énumère-t-il. Seulement et selon lui toujours, le constat établi par ses services ne se limite pas à ce stade, puisque d'autres dysfonctionnements ont amplifié, d'une manière ou d'une autre, le phénomène de la déperdition scolaire qui touche sans distinction les zones urbaines et rurales de la wilaya. L'autre problème qu'évoque l'administration est justement le rôle, plus ou moins passif, de certains parents d'élèves qui se soucient peu ou pas du tout du suivi du cursus de leurs enfants. «On a constaté également une sorte de relâchement s'agissant des opérations d'évaluation pédagogique. Ce manquement n'est pas sans conséquence, puisque 80 à 90% des élèves accèdent annuellement aux niveaux d'études supérieures sans pour autant être aptes pédagogiquement parlant. De ce fait, et sauf miracle, on aboutit inexorablement à un taux d'échec élevé lors des sessions d'examens couronnant le terme de cursus d'un palier, autrement dit au Bac, au brevet d'enseignement moyen et les examens d'accession au moyen», affirme le directeur de l'éducation. Même lorsqu'il s'agit du passage du primaire au moyen et du moyen au secondaire, beaucoup d'élèves arrivent par enchantement à décrocher le quitus. Et pour cause, les notes, quoique au-dessous de la moyenne, qu'ils obtiennent au cours des examens du BEM et ceux de la fin du cursus primaire, additionnées aux bons résultats obtenus lors de l'année scolaire, leur garantissent au final de franchir aisément l'écueil. Ainsi donc, ce n'est qu'en fin de cursus scolaire, c'est-à-dire en terminale, qu'on peut avoir objectivement une perception du niveau réel des élèves à Djelfa. Dans ce cas la sentence est pour ainsi dire intransigeante. On a recensé à Djelfa l'année dernière un taux d'obtention au Bac qui n'atteint même pas les 39%, alors qu'à l'échelle nationale, on a enregistré un record historique de pourcentage de réussite jamais égalé auparavant. Comme il fallait s'y attendre, la direction de l'éducation de la wilaya a entrepris des mesures de fond pour juguler la déperdition dans le milieu scolaire. «D'abord, il faut reconnaître que personne ne détient une baguette magique pour changer les choses rapidement. Toutefois des mesures ont été déjà mises en œuvre en ce sens ces dernières années. A titre d'exemple, le nombre de classes composées, qui étai de l'ordre de 150 classes, a été réduit à 20. On ne compte aussi cette année que 20 enseignants qui dispensent à la fois les cours en langue nationale et ceux en français. Concernant les admissions aux classes supérieures, un suivi rigoureux des évaluations a été préconisé ces deux dernières années. Résultat : les taux de réussite lors du passage du primaire au moyen et du moyen au secondaire reflètent plus ou moins le véritable niveau des élèves. Aussi, pour qu'on arrive à une évaluation pédagogique objective à tous points de vue, un programme d'envergure a été mis en place à l'adresse des enseignants avec bien entendu la collaboration des inspecteurs de l'éducation de la wilaya. En plus de ces réformes, la direction de l'éducation a prévu d'autres mesures, dont la finalité est de réduire d'une manière substantielle le phénomène de la médiocrité des résultats», conclut Belalia Douma Abdelhamid.