à son arrivée en Bosnie pour participer au 20e anniversaire du massacre de Srebrenica, le Premier ministre serbe, Aleksandar Vucic, a été paradoxalement malmené par un groupe de participants et reçu l'accolade d'une des mères de victimes. Touché à la tête par un jet de pierre, il a été contraint de quitter promptement la cérémonie, selon l'agence officielle Tanjug. Le poids de la guerre communautaire de l'ex-Yougoslavie démembrée laisse des traces indélébiles dans le nouvel Etat divisé qui peine à faire la paix des cœurs. Peu avant son départ, Aleksandar Vucic a pourtant affirmé, dans une lettre ouverte, qu'« il n'y a pas de mots que quiconque pourrait prononcer pour exprimer sa tristesse et ses regrets pour les victimes, ni sa colère à l'égard de ceux qui ont commis ce crime monstrueux ». Vingt personnes au total ont été mises en accusation par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY). Quatorze condamnations, dont quatre pour le crime de génocide, ont été prononcées, alors que trois procès sont en cours. Belgrade s'emploie laborieusement à tourner la page de la dérive sanglante. Le président Tomislav Nikolic a demandé « à genoux que la Serbie soit pardonnée pour le crime commis à Srebrenica ». La main tendue est dictée par la quête d'un « avenir commun » qui « ne peut être sacrifié au nom d'un égoïsme personnel ou national », précise le Premier ministre Vucic. Il y a vingt ans, le 11 juillet 1995, alors que la région était déclarée « zone protégée » par l'ONU, quelque 8.000 musulmans, abandonnés par les Casques bleus de l'Onu, censés les protéger, ont été tués à Srebrenica par les forces serbes bosniennes. Les plaies restent aujourd'hui béantes. Environ 50.000 personnes, dont des proches des victimes et des survivants, sont attendues pour assister aux cérémonies auxquelles doivent participer, outre le Premier ministre serbe et des responsables étrangers, l'ex-président américain Bill Clinton qui est l'architecte des accords de paix de Dayton. Au mémorial de Srebrenica, abritant les 6.241 victimes retrouvées et identifiées, les cercueils de 136 autres victimes seront enterrés. Mais la Bosnie, qui a payé un lourd tribu à la guerre communautaire (100.000 morts et 2 millions de réfugiés), est confrontée au pari du rassemblement national mis à mal par les fractures générées par la création de deux entités, l'une serbe, la Republika Srpska (RS) et l'autre croato-musulmane, et la persistance de divergences entre les principales composantes communautaires, musulmane (40%), serbe (30%, chrétiens orthodoxes) et croate (10%, chrétiens catholiques). Il reste également, malgré les efforts de rapprochement, la difficile normalisation des « frères ennemis » qui bute sur le refus de Belgrade de reconnaître le terme de génocide reconnu cependant par la justice internationale. L'approche a été réfutée par la Russie qui a opposé, à la veille du 20e anniversaire, son veto à un projet de résolution de l'ONU sur l'utilisation officielle du terme « génocide » qualifié de « mensonge » par le président de la Republika srpska, Milorad Dodik, et jugé par Belgrade comme une tentative de nature à « approfondir les divisions ».