Le Premier ministre turc, Ahmed Davutoglu, a rendu, mardi dernier, au président, Recep Tayyip Erdogan, le mandat qu'il lui avait confié le 9 juillet pour mener des négociations avec les sociaux-démocrates (CHP, deuxième force au Parlement) d'une part, et avec le Parti nationaliste (MHP, troisième force), de l'autre. Pour pallier la perte de la majorité absolue, à l'issue des législatives du 7 juin, le Parti de la justice et du développement (AKP), qui régnait depuis 2002 sans partage, se devait de favoriser une coalition. D'autant que, théoriquement, le président Erdogan pouvait confier au parti, arrivé en seconde position, la tâche de former un gouvernement. Cette mission s'avérait toutefois aléatoire, dès lors que le CHP n'a obtenu que 25,1% des voix contre 40,9 % pour l'AKP. L'option des législatives anticipées semble incontournable. Si tous les recours seront épuisés d'ici dimanche prochain, la Turquie devra recourir à un nouveau scrutin, dans un délai de 90 jours. Il sera organisé soit par le gouvernement sortant, s'il est chargé d'expédier les affaires courantes, ou bien par un « gouvernement d'élection » composé de représentants de chacun des partis présents au Parlement. La Constitution autorise, en effet, le chef de l'Etat à remercier le gouvernement sortant et à demander la formation d'une nouvelle équipe pluraliste intérimaire, boycottée par les nationalistes du MHP (16,4 % des voix) et, surtout, le CHP conditionnant sa participation avec la présence du Parti démocratique des peuples (HDP) pro-kurde arrivé en quatrième position lors des élections de juin après avoir franchi, pour la première fois dans son histoire, la barre de 10% nécessaire pour siéger au Parlement turc. Ce parti a annoncé qu'il était prêt à siéger dans un gouvernement intérimaire. Quelle sera la réponse d'Erdogan à cette offre de service ? Les dirigeants de l'AKP, qui veulent éviter le marchandage de l'opposition, misent énormément sur un nouveau scrutin. Un des porte-parole du parti a annoncé la tenue, le 12 septembre, d'un congrès au cours duquel cette formation islamiste pourrait définir une nouvelle stratégie électorale. Le président Erdogan, lui, ne renonce pas à une réforme de la Constitution qui lui accorderait des pouvoirs étendus. « Que vous le vouliez ou non, en Turquie, le système a changé. Il faudrait donner un cadre légal à cette situation au moyen d'une nouvelle Constitution », a-t-il déclaré, vendredi dernier, lors d'une réunion avec des représentants de la société civile dans la région de Rize, sur la mer Noire. Réussira-t-il à remettre à flot son parti en dérive et défendre une influence contestée ?