Quatre jours après les élections législatives, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a invité jeudi tous les partis politiques à mettre leurs différends de côté en faveur d'une formation rapide d'un gouvernement de coalition. A l'issue de ces élections, le parti au pouvoir, Parti de la justice et du développement (AKP), s'est vu perdre la majorité absolue au Parlement due au score insuffisant de 41 % des suffrages. Avec seulement 258 des 550 sièges de députés, l'AKP est contraint pour la première fois de former une coalition avec un ou plusieurs des trois partis de l'opposition. Le président turc a dès lors exhorté les partis politiques à mettre de côté leur ego (...) et former aussi vite que possible un gouvernement de coalition afin de préserver la «stabilité» de la Turquie. «Nous ne pouvons pas laisser la Turquie sans gouvernement, sans tête», a plaidé le chef de l'Etat lors d'un discours devant la chambre de commerce d'Ankara. «Ceux qui priveraient la Turquie d'un gouvernement en paieront le prix», a-t-il mis en garde. Le Premier ministre turc, Ahmet Davutoglu, a annoncé, pour sa part, que son parti allait ouvrir des discussions avec l'opposition, après les législatives qui l'ont privé de sa majorité absolue au Parlement. Au pouvoir depuis treize ans, le Parti AKP est arrivé en tête du scrutin de dimanche en recueillant 40,8% des voix mais a subi un recul de près de 10 points par rapport à son score de 2011 (49,9%). Ce résultat a ouvert les tractations en vue de la formation d'un gouvernement de coalition entre l'AKP et l'opposition, qui n'a cessé, pendant la campagne, de dénoncer la dérive autoritaire du parti au pouvoir et de l'homme fort du pays. Dans ces conditions, un accord, quel qu'il soit, s'annonce très compliqué. Les deux principaux adversaires de l'AKP, le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate) et le Parti de l'action nationaliste (MHP, droite) ont respectivement eu 25% et 16,3% des suffrages, totalisant 132 et 80 sièges. Grande surprise des élections, le parti kurde HDP (Parti démocratique du peuple) et son charismatique chef de file, Selahattin Demirtas, ont bouleversé le paysage politique turc en réalisant un score historique de 13,1% et en obtenant 80 députés. Ces trois partis ont jusque-là publiquement exclu toute alliance avec l'AKP. «Ce dont nous sommes sûrs, c'est que nous ne participerons pas à une coalition avec l'AKP», a répété mardi M. Demirtas devant la presse. Le chef du CHP, Kemal Kiliçdaroglu, a évoqué l'idée d'une alliance de l'opposition, car «des élections anticipées ne seront qu'une perte de temps», a-t-il écrit mardi sur Twitter. Les chances d'une telle coopération semblent toutefois très minces. Les nationalistes du MHP sont très réticents à s'allier avec le HDP. Ils souhaitent l'arrêt des négociations de paix menées avec les rebelles armés du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), alors que le parti prokurde a fait de leur relance une de ses priorités. Reste l'idée d'un gouvernement AKP minoritaire. «C'est l'éventualité la plus lointaine, inutile d'en parler pour le moment», a tranché son vice-président, Mehmet Ali Sahin.