Nul besoin d'être un observateur avisé pour constater l'importance et le poids du secteur informel dans l'économie nationale. Il a étalé ses tentacules meurtrières à toutes les activités à telle enseigne qu'il a fini par s'imposer à l'économie réelle. Certes, l'Algérie n'est pas exception puisque tous les pays du monde subissent ce fléau, développés ou en voie de développement. Cependant, dans ces pays, il est plus ou moins maîtrisé car il est relativement contrôlé. Les pays développés disposent de moyens avérés et efficaces pour cerner son importance. En outre, ils ferment les yeux pour des raisons évidentes car le secteur informel contribue à la réalisation de leurs objectifs économiques. D'abord, grâce au secteur informel, ils renforcent la compétitivité de leurs économies en distribuant des salaires bas, en ne cotisant ni aux assurances (maladie, chômage) ni aux caisses de retraite. Il faut également noter que dans les pays développés, le secteur informel emploie en général des émigrés ou des clandestins. Ensuite, le secteur informel crée des emplois. Enfin, il contribue à la croissance car il crée des richesses. On estime que le secteur informel représente, dans les pays développés, entre 15 et 35% du PIB. L'Italie arriverait nettement en tête. Il faut observer que ce sont des chiffres importants pour des pays qui disposent d'une administration complexe et compétente et ses dispositifs bien réglés. En réalité, dans ces pays, le secteur informel est soutenu, maîtrisé et les pouvoirs publics savent comment en tirer le meilleur profit pour l'économie. Par exemple, en France, il existe toute une industrie souterraine de textiles (confections) aux mains principalement des Chinois. Les produits des ateliers clandestins sont déversés sur le marché français à des prix compétitifs concurrençant ainsi les importations en provenance d'Asie en général et de Chine en particulier. La France n'a donc pas besoin de prendre des mesures de «rétorsions» pour contrer les produits importés de Chine ou d'ailleurs. Le marché informel, dans ces conditions, améliore le solde de sa balance commerciale. L'on comprend, dès lors, le laxisme des pouvoirs publics dans les pays développés vis-à-vis du marché informel qui ne menace pas l'économie réelle mais bien au contraire, il constitue, paradoxalement, une complémentarité. Dans ces pays, le secteur informel est toléré.Qu'en est-il de l'Algérie ? Il faut d'abord souligner qu'elle n'est pas dans les mêmes conditions que les pays développés. C'est une économie naissante, fragile, vulnérable et, elle ne peut donc supporter une concurrence déloyale. De plus, le secteur informel envahit tous les compartiments de la vie économie et sociale. Ses ravages sont visibles à l'œil nu, des marchands sur les trottoirs aux trafics illégaux de toutes sortes jusqu'aux activités économiques et commerciales. A l'instar de plusieurs pays, l'Algérie fait face réellement à un fléau qui risque d'étouffer progressivement sons économie. Il est donc dangereux pour sa stabilité, son développement et sa sécurité. En effet, il est même à craindre de voir s'établir une connexion entre le marché informel et le «banditisme» sous toutes ses formes, à l'instar, par exemple, des narcotrafiquants avec les filières terroristes. En Algérie, on estime que le marché informel représente, selon une étude de l'ONS publiée il y a quelques années de cela, environ 50% de la population active. C'est un chiffre effrayant qui permet d'appréhender l'avenir. Il signifie d'abord que cette population exerçant dans l'informel ne cotise ni aux caisses d'assurance-maladie ni aux caisses de retraite. Cela veut dire deux choses. D'abord, cette population bénéficie des services publics (soins médicaux) à titre gracieux au même titre que les salariés qui cotisent normalement. Enfin, à la retraite, cette population ne bénéficie pas de pensions puisqu'elle n'a tout simplement pas cotisé. Ce sera donc une population «précarisée» et il incombera à l'Etat de la prendre en charge. Non seulement il y a un manque à gagner pour l'Etat mais il devra prendre en charge une population âgée sans ressources. A l'heure actuelle, il est, d'ailleurs, facile d'observer que les caisses d'assurance-maladie et de retraite sont déficitaires et c'est grâce aux subventions colossales de l'Etat qu'elles arrivent à un équilibre précaire. A titre d'exemple, l'Etat a accordé, dans le cadre de la loi de finances pour 2010, 453 milliards de dinars de subventions pour le fonctionnement normal des établissements hospitaliers. Au moment où l'Algérie s'engage dans la voie de la réhabilitation et de la dynamisation du secteur productif national, la maîtrise du secteur informel devient incontournable, faute de quoi son développement futur serait sérieusement contrarié. La construction d'une économie densifiée et diversifiée hors hydrocarbures passe par l'intégration progressive du secteur informel dans le cadre de l'économie réelle. Il y a donc des efforts à accomplir pour convaincre et rassurer que la transparence et l'implication dans la dynamique d'une politique de développement sont beaucoup plus payantes que l'opacité et le gain facile mais sans perspectives d'avenir.