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Sur le glorieux itinéraire de l'Emir Abdelkader
eductour touristique à l'initiative du Touring club d'Algérie
Publié dans Horizons le 04 - 11 - 2015

Près de deux siècles après la première Moubayaa (allégeance) de l'Emir Abdelkader, les jeunes étudiants de l'Ecole nationale supérieure du tourisme El Aurassi (ENST) se retrouvent, impressionnés, devant l'arbre Dardara, à Ghriss, à Mascara, sous lequel le jeune Emir Abdelkader est élu comme chef par les membres de sa tribu. Un très vieil arbre que l'un des anciens chefs de daïra de la commune a pris la bonne initiative d'entretenir et de clôturer. Pendant que le guide donnait des détails sur cet événement qui a été à l'origine de la formation de l'Etat algérien moderne, l'imagination des étudiants s'enflammait. Sous cet arbre, se tenait dans un beau burnous blanc, un jeune émir qui avait peut-être leur âge, mais dont les connaissances et la sagesse valaient celles des plus érudits. Peut-être que, pendant que les membres de sa tribu l'élisaient comme chef, une brise légère faisait danser le feuillage brillant de l'arbre de Dardara pour marquer ce jour béni. « Il a été élu sous cet arbre en suivant la tradition religieuse musulmane qui fait référence à la Moubayaa du Prophète (QSSSL) sous un arbre. L'Emir avait 24 ans à l'époque », leur raconte le guide, Moumen, qui est le président de la branche Mascara de la fondation Emir-Abdelkader.
Sur le même site, d'autres « vestiges » enflamment l'imagination de toute personne qui le visite pour la première fois. D'immenses fresques mettent en scène la Moubayaa ainsi que quelques-unes des batailles de l'Emir contre l'ennemi. Des œuvres d'art où sont esquissées avec une précision étonnante les lignes pures des chevaux, la force des combattants et le mouvement puissant de leurs épées. L'une des fresques valorise l'intervention de l'Emir pour sauver, à Damas où il était exilé, et au péril de sa vie, des milliers de chrétiens du massacre mené par des fanatiques sunnites. Mais aussi un portrait de l'Emir dans sa maturité. « C'est le portrait qui se rapproche le plus de l'Emir. Il y a eu beaucoup de portraits qui n'avaient rien à voir avec lui. L'Emir a été le premier à défendre les droits de l'homme, avant même l'ONU. En homme pieux, respectueux des percepts de l'Islam, il a pris la défense des chrétiens. Ce qui a contribué à lui donner une renommée mondiale à cette époque », indique le guide.
De l'arbre Dardara à la zmala de l'Emir...
Après l'arbre de Dardara, le Touring club d'Algérie, qui a organisé cet eductour conduit le groupe vers El Guetna. Un village situé à proximité de Ghriss, là où l'Emir a vu le jour. Là, les jeunes visiteurs ont découvert l'emplacement de la kheïma où est né et a grandi l'Emir auprès de sa famille. A côté de la zaouia que son père, cheikh Sidi Mahieddine, a fondée il y a près de deux siècles. Cette dernière est restée telle quelle et aujourd'hui encore, la religion y est enseignée et des enfants apprennent le Coran. A la place où jadis était dressée la kheïma, les collectivités locales ont construit comme une sorte d'édifice, un carré avec quatre petits minarets, pour situer aux visiteurs l'emplacement exact de l'ancienne maison de l'Emir. « Depuis deux siècles que la zaouia existe, la récitation du Coran n'a jamais cessé. L'Emir y a appris le Coran et le récitait par cœur à l'âge de douze ans. De la grande cour de la zaouia, on peut entendre la voix des enfants qui récitaient le Coran en chœur, sous l'œil et « l'ouïe » attentifs de leur professeur. Les grottes, situées à quelques mètres de la zaouia, étaient le lieu de prédilection de l'Emir pour réciter le Coran, ou simplement, pour s'isoler. Cachées derrière des buissons, elles donnent sur les plaines verdoyantes qui font la réputation de la région. Bien qu'elles soient considérées comme un site historique, les grottes ne bénéficient d'aucun entretien ou d'une clôture. Sollicité à ce propos, le représentant de la fondation de l'Emir a estimé que ce n'est pas à elle d'intervenir mais c'est aux collectivités locales de le faire. De là, les jeunes invités du TCA se dirigent vers la mosquée Sidi-Hassan, au centre-ville de Mascara, où a eu lieu la deuxièmes allégeance pour l'Emir. La mosquée, à l'origine, est de l'ère ottomane. Très solide, la bâtisse n'a subi aucune modification ni opération de réhabilitation. Et sa valeur historique est plus grande du fait qu'elle témoigne de l'allégeance des différentes tribus de l'Algérie faite à l'Emir en 1833. « La mosquée est bien conservée. Mais nous venons d'achever une étude de restauration et les travaux seront lancés prochainement », souligne le directeur de la culture de Mascara, Mohamed Sahnouni. Cette mosquée a été construite par un bey turc, Mohamed Ben Othman El Kebir, en hommage aux savants et érudits de l'époque. « C'est là que la formation d'un Etat moderne s'est concrétisée. Comme un Premier ministre qui aurait soumis son programme devant le Parlement, l'Emir a exposé le sien devant les plus importantes tribus de tout le pays. L'Emir voulait être l'émir de toute l'Algérie et non seulement de Mascara », explique l'imam de cette mosquée, en signalant que la 2e allégeance a été faite par des hommes de sciences et l'élite de la société algérienne. Former une administration pour gérer les affaires de l'Etat par les Algériens et non par les étrangers, est l'élément clé du programme de l'Emir qui a reçu l'approbation de la plupart des tribus.
... En passant par la mosquée où a eu lieu la seconde Moubayaa
L'Emir, qui vouait une grande admiration au bey Mohamed Ben Othman El Kebir, a utilisé, en signe de reconnaissance, les édifices qu'il avait fait construire, comme institutions de son Etat moderne. Dar El Kadi de l'Emir (tribunal) et le siège de son commandement sont à l'origine, en effet, des édifices ottomans. Deux structures qui se ressemblent dans leur architecture ottomane et leurs fontaines. Tous deux ont fait l'objet d'une restauration. Mais les deux édifices ne semblent pas avoir été faits dans les normes car ils ont perdu cet air d'ancienneté qui fait le charme des anciennes constructions. Des portes en verre séparent les différentes pièces au siège du commandement, nues de tout décor. Le hall, vide également de tout mobilier, n'abrite que quelques manuscrits administratifs écrits et signés par l'Emir, des tableaux et des portraits de ce dernier. Au tribunal de l'Emir, qui se trouve juste à côté de son centre de commandement, la faïence turque (zelaïdj) et les chapiteaux sont pratiquement les seuls témoins de l'origine turque de cet édifice. « Au tribunal, il n y avait pas de salle de jugement et de délibération. Le juge était assis par terre, et la seule loi, c'était celle du Coran et la Sunna. Les grands cheikhs de la région étaient sollicités pour résoudre les conflits.
C'était plus un lieu de sagesse qu'un lieu de jugement », explique le chargé de la culture à Mascara, en précisant que tous les édifices de l'époque ottomane utilisés par l'Emir sont classés patrimoine national. Y compris la smala (zmala) de l'Emir Abdelkader, dans la commune de Sidi Kada. C'était la ville itinérante de l'Emir où vivaient des milliers de personnes, composées surtout de femmes et d'enfants. La smala ou la zmala a pris racine sur les propres terres de l'Emir. « L'Emir était issu d'une famille aisée. Il avait des biens et n'avait pas besoin de richesse. Les terres qui abritaient sa zmala appartenaient à sa famille depuis des générations », relève le guide de la fondation de l'Emir Abdelkader, Si Miloud. La zmala comprend notamment une grande tour de contrôle (bordj) qui donne sur les plaines. De là, les sentinelles de l'Emir pouvaient voir si l'ennemi approchait. Aujourd'hui, c'est un édifice honorifique, à la mémoire de l'Emir Abdelkader. « Il est vrai que l'Emir dressait sa tente au milieu de la zmala. Mais il avait aussi une maison ainsi qu'un hammam. Ce dernier a été restauré récemment bien que les équipes chargées de cette opération n'aient pas respecté les matériaux utilisés. Le sol est complètement changé ! », déplore-t-il. La zmala renferme aussi le mausolée de cheikh Si Mahieddine, père de l'Emir, mais aussi un très beau parc, bien aménagé et très bien entretenu. 85 vieux oliviers font partie de ce parc et qui sont aussi classés patrimoine national. Les invités du TCA ont assisté, par pur hasard, à une waâda très connue dans la région de Mascara. Celle de Sidi Hadj Ali. Sur un site qui s'étend sur des kilomètres, dans la commune de Aïn Fakan, à une vingtaine de kilomètres du centre-ville de Mascara, des espaces sont aménagés pour accueillir des marchés de produits divers, la fantasia, la vente à la criée et des animations. Des milliers de personnes, venues des différentes wilayas de l'ouest du pays, déambulent entre les marchés et les étalages de friandises. Au centre du site, des visiteurs sont regroupés autour d'un groupe d'hommes qui semblent en transe. Après avoir humé une sorte de fumée, ils avalent un morceau de braise. « C'est pour se purifier de leurs péchés. La braise brûle leurs mauvaises actions », expliquent les habitués de cette waâda.
Ghriss, un produit touristique à promouvoir
Dans un autre cercle, des joueurs de flûtes y jouent tandis que d'autres récitent des poésies bédouines. Une ambiance très festive se dégage de cette waâda animée par des autochtones. La fantasia est de loin le spectacle le plus attrayant. De beaux chevaux décorés qui, tantôt se mettent en course sous le son du baroud, tantôt en trot pour suivre au pas les sons d'une musique folklorique. « La waâda est célébrée deux fois par un an, en automne et en printemps et attire énormément de monde. De même que le hammam thermal Bouhanifia qui attire plus de 19.000 visiteurs/an. Bien que Bouhanifia abrite une trentaine d'hôtels, cela reste insuffisant pour absorber le flux tout au long de l'année », indique l'inspecteur à la direction du tourisme à Mascara, Mustapha Dayekh. En tout, la wilaya de Mascara abrite 45 hôtels de une à trois étoiles et dont certains ne sont pas classés. A ce nombre s'ajoutent les projets de sept autres hôtels, entre une et trois étoiles également, et qui sont en cours de réalisation. Ennakhil, dans la commune de Ghriss, est l'un des hôtels que les invités du TCA ont découvert.
C'était le lieu de leur hébergement. Un hôtel modeste dont le personnel est accueillant mais dont l'hygiène laisse à désirer. Le mobilier, vétuste, grince au moindre mouvement et les draps, très sombres, portent des traces d'eau de javel. Tout est sombre, au fait, dans les chambres, très petites. Ce qui donne une impression d'étouffement, accentuée par les mauvaises odeurs qui proviennent des sanitaires. L'hôtel, toutefois, possède une collection de tableaux impressionnants qui en ornent les murs. De beaux portraits de l'Emir Abdelkader mais aussi de Ghriss à l'époque coloniale que les Français avaient baptisé « Thiersville ». Des vestiges de la période coloniale, vieux de plus d'un siècle, ont survécu au temps.
Il s'agit de l'ancienne salle de cinéma transformée aujourd'hui en daïra, mais surtout une vielle maison, qui a vu le jour en 1908, habitée par tous les chefs de daïra qui se sont succédé à Ghriss. Une très belle villa majestueuse entourée par un grand jardin d'arbres fruitiers, dont des citronniers. Les habitants affirment que c'est une maison hantée. Ça ne l'empêche pas d'être habitée ! Ghriss jouit d'une formidable collection de vestiges historiques de différentes époques, à valoriser absolument. C'est dans ce but aussi que le TCA a organisé cet eductour. Faire découvrir aux jeunes un pan de l'histoire de l'Algérie tout en faisant du tourisme, et inciter des agences de voyages à transformer cette région riche en histoires en un produit touristique par excellence.


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