Contrairement aux fausses vérités martelées par les historiens coloniaux, le Maghreb central, autrement dit l'Algérie, à joué un rôle déterminant dans la fondation et le lustre des deux grands empires de l'Occident musulman, les Almoravides et les Almohades. Parce que n'ayant pas joui, notamment dans le système scolaire, de l'intérêt présidant à leur importance dans l'histoire médiévale du Maghreb, mais aussi en raison de l'historiographie coloniale qui ne les a que très peu évoqués dans sa quête imaginaire d'une Afrique du Nord aux origines romano-chrétiennes, Fatma-Zohra Oufriha a publié un ouvrage fort intéressant : « Au temps des grands empires maghrébins ». Paru récemment aux éditions Chihab, il traite des grandes dynasties, les Almoravides et les Almohades en particulier, qui ont marqué la période faste et tumultueuse du Maghreb. Le livre a fait l'objet d'une conférence-débat animée samedi dernier à la bibliothèque du palais de la culture, Moufdi- Zakaria, par cette brillante économiste, licenciée également en sociologie et en histoire. Pour elle, « l'urgence est, aujourd'hui, de décoloniser l'histoire de l'Algérie et du Maghreb dans une plus large mesure ». Ayant personnellement subi les affres du dénigrement et du travestissement systématique de l'identité culturelle algérienne par l'école coloniale, Mme Oufriha fait sien le combat libérateur. « Il doit présider aux travaux de tous ceux qui s'intéressent de près ou de loin à l'histoire algérienne », a-t-elle affirmé . « L'histoire a pour rôle et objectif de produire et de conforter la représentation de soi » professe l'universitaire qui a, des années durant, passé en revue une longue et riche bibliographie, notamment celle du grand historien maghrébin, Abderrahmane Ibn Khaldoun, « ignoré à dessein » par les tenants de l'histoire coloniale. Ainsi, comme souligné dans la postface de son livre, « l'auteure se projetant dans cette période, réinterroge les sources (...) pour corriger la version coloniale, partiale et biaisée de cette période fondatrice. Une plongée salutaire dans deux siècles de foi, ardente et constructive, et où l'Islam est synonyme de lumière au-delà de la ferveur ». Les grands empires sont aussi algériens Selon elle, Al-Maghrib Al-Aqsa, le Maroc aujourd'hui, est sans doute le grand « bénéficiaire » de l'histoire coloniale qui a œuvré et manœuvre pour exclure le Maghreb central, l'Algérie actuellement, de l'entreprise ayant conduit à la fondation de ces deux grands empires musulmans. « A lire les sources coloniales, on a l'impression que l'Algérie est en reste dans l'évolution et la prospérité de ces deux dynasties » regrette l'auteure de « Industrialisation et transfert de technologie » en soutenant, haut et fort, le rôle déterminant joué par les Maghrébins centraux dans la constitution et le lustre des dynasties en question. Dans la foulée d'une présentation assez cossue de son sujet, Fatma-Zohra Oufriha qui, rappelle-t-on, est la première femme au Maghreb à soutenir un doctorat d'Etat en économie et la seule femme agrégée en Algérie, n'a pas manqué d'évoquer les deux grands géants de la pensée islamique que sont Ibn Rochd (Averroès) et Abou Medyan (Sidi Boumediene). Elle a mis en avant leurs parcours dont a hérité non seulement le monde musulman, mais aussi la civilisation humaine.