Photo : Fouad S. Les corridors économiques seront-ils un modèle pour l'intégration économique au Maghreb ? C'est le débat qu'a organisé hier le groupe CARE, centre de reflexion autour de l'entreprise. Cette association qui a confié l'étude à un économiste algérien veut relancer le débat. Autour de la table, des chercheurs, des économistes, des universitaires et chefs d'entreprises. Un invité de marque pour ce thème, M.Joel Ruet , économiste et chercheur au CNRS qui précise que le «laboratoire chinois peut offrir une opportunité nouvelle au modèle algérien, par le commerce comme par le modèle industriel». Pour le chercheur français qui suit de près ces modèles asiatiques, c'est tout à fait simple, «on commerce avec son voisin». Pour preuve, on gagne déjà en termes de coûts du transport dans les échanges que d'aller aussi loin. Pour revenir à cette expérience chinoise, l'économiste insiste sur ce couplage réussi de la Chine continentale avec Hong Kong qui a permis la naissance de toute une ville industrielle, la célèbre zone de Shenzhen. Les chiffres sont là, la zone est connue mondialement pour son dynamisme économique. Elle réalise le 1/7e des exportations de Chine soit l'équivalent de 200 milliards de dollars/an. «Ce sont, de plus , des produits de haute technologie à 53%», dira M. Ruet. Il y a un autre exemple, l'Inde, ajoute l'économiste français et celui-ci peut nous intéresser puisque il présente des «similitudes» avec les pays du Maghreb qui ont des problèmes de frontières. L'Inde a, elle aussi, des différends de ce type avec la Chine, mais cela ne les a pas tous deux empêchés de «travailler dans le sens de cette intégration», plaide-t-il. En cinq ans, les deux pays sont passés de près de un milliard de dollars d'échanges à 60 milliards. Et ils se proposent d'atteindre les 100 milliards en 2015. Ce qui laisse encore présager un bel avenir à l'économie indienne, c'est que beaucoup d'entreprises de télécommunication (celles qui ont fait le bonheur des Chinois), ou spécialisées dans les centrales thermiques sont déjà là, en Inde», dit-il. Pour M. Ruet , il n' y a pas de doute, le «near shoring», le modèle qu'il défend, c'est-à-dire un business de proximité «a un bel avenir au Maghreb». Les réticences n'ont pas manqué et pour cause, au-delà des blocages d'ordre politique , le conflit des frontières, les économistes algériens se posent la question de savoir d'abord, s'il y a une volonté politique à développer ces corridors. De plus, en terme économique, il y a «un problème de taille des marchés», dira le Dr Abdelmadjd Bouzidi, l'Inde et la Chine, ce n'est pas l'Algérie et la Tunisie. Et ce n'est pas fini , car «il faut trancher la question de savoir quel type de zones économiques on veut pour les pays du Maghreb? Est-ce qu'il s'agit de zones industrielles ou commerciales... Les intervenants ont gonflé le niveau des incertitudes, il ne faut pas se le cacher, disent-ils la Chine et l'Inde ont de «véritables entrepreneurs», ce qui «n'est pas le cas chez nous», selon une universitaire. D'autres, en revanche, sont plus optimistes, il ne faut pas avoir peur, «les corridors existent déjà entre les pays du Maghreb», disent-ils, «à travers leur diaspora en Europe». Et ces corridors seront encore «un test de compétitivité pour nos produits», dira un industriel. Il faut noter que l'option zone franche a été tentée, il y a quelques années en Algérie à travers l'expérience de Bellara qu'on voulait de type industriel. Cette disposition sera abrogée un peu plus tard. Toutefois, les corridors semblent une conception plus restrictive contrairement à la première qui est, elle, ouverte à l'investissement industriel d'une manière globale. Le groupe de réflexion, Care, travaille en fait sur cette idée depuis trois ans, dans l'espoir de «trouver des synergies potentielles entre les pays du Maghreb», reconnaît un membre de l'association.