Le public se souviendra de tous les rendez-vous marquant l'évènement « Constantine de la culture arabe 2016 : la dizaine d'expositions programmées à l'instar de « La Nouba », « L'art du livre islamique », « Le royaume Numide », « Les peintres de la ville », l'hommage à l'artiste Kamel Nezzar, les nombreuses pièces de théâtre jouées sur les planches du TRC (« Pour Sovones Padu », « Massinissa et Sophonisbe », « Jugurtha », « Amnukal », « Liqaa fi Kasentina » etc.), le festival du cinéma arabe ou la projection récemment des films produits dans le cadre de la manifestation (« El Boughi », « Lella Zbida », « Les Mystères souterrains », « Babylone Constantine »...). On retiendra également le succès de l'événement « Les nuits de la poésie arabe » et la participation d'une pléiade de poètes tels que Mohamed Hédi Jazir, Mohamed Bentalha, Sabah Doubi, Ali Aata, ou Ahmed Chahaoui. Le public était venu en masse pour les nombreux galas tels que le spectacle d'ouverture « L'épopée de Constantine », les festivals du Malouf, de jazz, sans oublier l'inoubliable hommage rendu à Warda par des artistes algériens et étrangers. On citera les noms du chanteur syrien Sabah Fakhri, du king Khaled, de l'artiste libanais Walid Toufic, d'El Hadj Mohamed Tahar Fergani, de Hamdi Bennani ou encore de Rabah Driassa. Il y a eu également le festival de musique classique, ainsi que le spectacle grandiose de l'Orchestre national symphonique au Monument aux morts. De belles rencontres et des découvertes lors de semaines culturelles des wilayas tout comme celles de la Palestine, du Soudan, de la Tunisie, du Maroc, de l'Egypte, de l'Italie ou des USA, toutes organisées à la salle de spectacle Ahmed-Bey. Le département colloques et congrès a, quant lui, honoré son contrat en organisant, dans les meilleures conditions, seize colloques, internationaux pour la plupart : Constantine cité et territoire, Massacres coloniaux, sur l'anthropologie et la musique, les femmes résistantes et dernièrement sur le mouvement El Islah. La manifestation a également permis la publication de centaines d'ouvrages consacrés en grande partie à Constantine, tout comme il a été décidé d'organiser un salon du livre qui se tient en ce moment-même à l'université Mentouri. Suffisant pour faire taire la critique, et certains regrettent déjà la fin de l'événement, tandis que d'autres considèrent qu'il a pris une tournure plutôt folklorique que culturelle. L'un des derniers événements en date, « la semaine culturelle de Constantine » a été, dit-on, un fiasco du fait qu'aucun artiste de renommée n'a été invité, aucun universitaire non plus. Récemment, des voix se sont élevées pour dénoncer le mépris affiché envers des personnalités constantinoises « oubliées », notamment Malek Bennabi que certains de ses proches avaient accusé, par le biais de la presse, les organisateurs de l'avoir délibérément laissé de côté. Ce à quoi Abdellah Boukhalkhal, vice-président du département colloques et congrès, avait répondu : « Sur les 16 colloques organisés cette années, il y a eu onze interventions au sujet de Malek Bennabi, et il y aura encore d'autres le concernant à l'occasion du dernier colloque sur le thème du réformisme algérien. Nous ne pouvions tout de même pas consacrer tout un colloque à chaque personnalité de la ville, il y en a tellement ! ». Bref, la capitale de la culture arabe a été intense en événements de bonne qualité ou moyennement appréciés, mais l'essentiel est que Cirta soit sorti de la routine et de son long sommeil. Dans de telles circonstances peut-on parler de renouveau culturel ? Il est vrai que ce n'est pas seulement une histoire de spectacles, de coûts et de culture. Car des flops, il y en a eu cette année, à commencer par les retards sur certains chantiers. La ville a fait sa mue Mais le moins que l'on puisse dire est que la ville a bénéficié de projets structurants comme l'a signalé le ministre de la Communication, Hamid Grine, de passage à Constantine il y a deux jours : « La manifestation a été une réussite puisqu'elle a surtout permis à la ville d'acquérir des infrastructures et d'en rénover d'autres. » On remarquera que les habitants de la ville évoquent souvent l'acquisition des infrastructures ou le lancement des travaux d'embellissement de la ville plutôt que la programmation et l'animation culturelles. Il faut dire que depuis 2013 - année de l'annonce officielle de l'événement - les autorités avaient lancé des travaux sur plusieurs fronts, histoire de gagner du temps pour être prêts le jour J. Le centre-ville a été particulièrement concerné par des opérations visant à relooker des quartiers entiers avec la rénovation des façades des immeubles, des trottoir et de certains monuments. Des mois de calvaire pour les habitants, surtout que beaucoup de projets ont accusé d'énormes retards. On pense notamment au boulevard Belouizdad dont on a arraché le trottoir et installé des échafaudages pour réhabiliter les vieux immeubles, une opération ratée puisque ce chantier à ciel ouvert a été maintes fois reporté causant des désagréments aux commerçants et aux riverains. Ce n'est qu'au mois de février dernier que les travaux de réfection des trottoirs avaient repris, au grand bonheur des habitants du quartier qui attendaient cela depuis l'été 2014. D'autre part, et dans un souci de préserver le patrimoine matériel de la ville, les autorités compétentes avaient pris toutes leurs précautions concernant la réhabilitation de la vieille ville. L'ambitieux projet présenté par l'OGEBC (Office national de gestion et d'exploitation des biens culturels protégés) s'appuyait sur une profonde réhabilitation de la Souika, avec ses maisons, ses foundouks, ses Zaouia, ses fontaines et ses commerces. Un projet qui a, hélas, été en partie annulé, en raison d'un manque de financement et de temps. Aujourd'hui, plusieurs mosquées sont encore fermées, tout comme l'arrêt brutal des chantiers dans plusieurs sites. D'autres projets structurants inscrits dans le cadre de la manifestation attendent d'être livrés. C'est le cas de la bibliothèque urbaine, le musée d'art et d'histoire, le pavillon des expositions d'Ain El Bey, tout comme les bâtisses concernées par les opérations de réhabilitation comme la Medersa, l'hôtel Cirta, ou l'institut de musique Malouf (implanté dans les anciens locaux de la wilaya). Personne ne peut renier toutefois que la ville a changé de visage et a fait l'acquisition d'infrastructures importantes. La salle de spectacle Ahmed-Bey (appelée communément le Zénith) est à elle seule un bijou architectural devenu la fierté de l'ensemble de la population. Et Maintenant ? Constantine s'apprête à passer le flambeau de capitale de la culture arabe à la ville tunisienne de Sfax le mardi 19 avril, lors d'une cérémonie prévue à l'occasion. Cirta l'antique tourne ainsi la page de l'année culturelle arabe, la vie reprendra son cours ordinaire et, désormais, il faudrait penser la culture sur le long terme. Y aura-t-il une suite à ce dynamisme culturel ou allons-nous, au contraire, assister à une autre hibernation de la vie culturelle ? De nombreux défis attendent les Constantinois et les autorités. Car pour pouvoir affirmer que la manifestation a eu un impact positif sur la ville, il faudrait que les associations culturelles, les élus et la population soient impliqués davantage. Or, il est constaté qu'aucune initiative du genre n'a vu le jour jusqu'à présent. Le commissaire de la manifestation, Samy Bencheikh El-Hocine nous a déclaré récemment : « Depuis mon installation à ce poste, j'ai toujours dit qu'il faudrait penser à l'après-manifestation. C'est-à-dire au devenir de toutes les infrastructures culturelles inaugurées cette année et, surtout, je pense qu'il faudrait changer les mentalités pour retrouver le charme des années 70/80. Je me souviens, durant ma jeunesse, d'une ville où il y avait une ambiance assez particulière, les familles avaient l'embarras du choix pour sortir la nuit : restaurant, cinéma ou théâtre. C'est ce que je voudrais revoir, et je pense que c'est le souhait de pas mal de gens. Les associations et la société civile doivent à présent occuper les lieux où s'est tenue la manifestation et penser à bouleverser les habitudes. Et je crois sincèrement qu'ils en sont capables. J'ai vu par exemple des gens faire la queue pour voir une exposition devant le centre culturel El Khalifa, c'est très rare en Algérie et ça montre à quel point les Constantinois aiment la culture. Je ne dis pas que nous n'avons pas manqué des rendez-vous, mais je crois que nous avons fait de notre mieux pour divertir les gens et changer l'image de la ville ». Comment va-t-on occuper les espaces culturels réalisés ou rénovés ? On pense notamment au devenir des palais de la culture El Khalifa, Malek-Haddad, de l'Institut de la musique Malouf (non encore réceptionné), et surtout de la salle de spectacle Ahmed-Bey objet de toutes les convoitises et dont on ne connaît pas encore le sort. En effet, l'Onci, qui a géré la salle de 3.000 places et ses annexes durant toute l'année, est lié par un contrat qui prend fin le 17 avril. Le ministère de la Culture devra ainsi léguer la gestion de la salle par voie de succession. Récemment, Azzedine Mihoubi a proposé de lancer une Epic qui se chargera de le faire.