Dans une conférence-débat animée, jeudi dernier, à la nouvelle librairie de la boîte « Chaïb Dzaier » à Alger, Mohamed Balhi, consultant à l'Anep, journaliste-écrivain, auteur de nombreux ouvrages, a mis en avant les principaux points devant présider aux destinées de la nouvelle vision du livre optée par l'éditeur public. A commencer par le recours aux nouvelles technologies, telles le livre électronique, e-book », les réseaux sociaux, les sites web, les start-up. Il a indiqué, à cet effet, que la nouvelle équipe dirigeante entend s'investir pleinement dans ce domaine. Notamment au sujet du livre électronique, qui permettrait, faute d'une diffusion nationale efficace, de promouvoir le livre dans toutes les régions du pays. Cette louable démarche se ferait, selon Balhi, en partenariat avec des institutions telles qu'Algérie Télécom, entre autres, en matière de la qualité du débit de l'Internet. « Les jeunes sont friands de nouvelles technologies. Raison pour laquelle les éditions Anep veulent exploiter cet outil pour les sensibiliser au livre et à la lecture » explique-t-il. « Se réapproprier l'histoire de l'Algérie » L'autre mot d'ordre de cette nouvelle politique : la réappropriation de l'histoire de l'Algérie. Pour Balhi, il n'est pas admissible de laisser aux maisons d'édition françaises, dont certaines - il cite La Découverte de François Gèze - proches des officiers de l'armée coloniale détiennent le monopole de l'histoire de la guerre de Libération nationale. « Quand on voit le nombre de livres édités sur ce qu'ils appellent eux La Guerre d'Algérie par les sous officiers de l'armée françaises, Bigeard en tête, il y a de quoi penser et commencer à réagir en soutenant une édition nationale comprenant non pas seulement l'Anep, mais l'ensemble des éditeurs algériens » soutient-il en indiquant que La Découverte a publié, entre janvier et juin 2012, quelque 115 livres sur le sujet. Balhi dénonce, également, la « colonisation par l'image » entreprise par des chaînes de télé françaises à l'instar de la chaîne Histoire qui met au devant ces officiers criminels. Pour ce faire, il affirme que le rôle de l'Anep est d'aider à écrire l'histoire de la Révolution en impliquant et les historiens et tous ceux qui ont pris part au combat libérateur. Le conférencier se réjouit, à ce sujet, de la liberté d'expression qui prévaut sur la scène nationale aidant certains auteurs à publier notamment sur des sujets « sensibles » tels que l'affaire d'Abane Ramdane ou du colonel Châabani. « Il faut pousser toutes les parties concernées par le guerre de Libération à écrire » résume-t-il. Concernant l'histoire ancienne, le représentant de l'Anep appelle à la « réappropriation » des symboles de l'Algérie, tels que Massinissa, Youghourta... dans l'espoir de faire pièce à l'histoire fabriquée dont les versions sont répandues, en Occident notamment. « Le rôle de l'éditeur est de donner la véritable image de ces héros comme l'a préconisé l'historien Mohamed Chérif Sahli dans son essai Décoloniser l'histoire » souligne l'écrivain, en suggérant de reprendre et recadrer, par le truchement des historiens, les vieux textes (plus de 1.000) parus dans la Revue africaine durant la période allant de 1830 à 1860. Balhi soutient la même approche de l'Anep visant à mettre le paquet sur le patrimoine religieux algérien (la confession malékite, la mouvance soufie, les Zouias...) confronté, regrette-il, aux livres portant un discours religieux extrémiste, « wahhabite » notamment. Une démarche valable également pour les beaux livres, les livres scientifiques, le livre amazigh... Plaidoyer pour une industrie du livre Forte de sa longue et riche expérience dans l'édition, avec un fonds de 500 titres dont 95% de « très haute facture », l'Anep occupe une place centrale dans la perspective d'une industrie du livre plaidée par tous les acteurs de la scène. « Je crois qu'il y a un début d'une industrie du livre en Algérie bien que cela puisse paraître dérisoire » explique Balhi en affirmant que quelques éditeurs nationaux, dont l'Anep, Chihab ou Casbah, ont des moyens, technologiques notamment, à l'instar des imprimeries modernes nécessaires pour aider à y parvenir. Si l'objectif est sans doute capital pour l'avenir du livre en Algérie, force est au conférencier de mettre le point sur certaines entraves compromettant la diffusion en premier chef. « Il y a très peu de librairies en Algérie. Une situation qui handicape tous les éditeurs désireux de promouvoir leurs produits » regrette-il en rappelant que seule Alger comptait, plus de 20 ans en arrière, 24 librairies, tandis que très peu des 1.541 communes du pays disposent d'une bibliothèque municipale. Pour ce faire, Balhi appelle à multiplier les librairies et les points de vente, notamment dans les grandes cités, les aéroports... Par ailleurs, Balhi met en avant la politique de promotion-marketing observée par l'Anep qui dispose de son propre site-web et entreprenant des relations fidèles et régulières avec l'ensemble des supports médiatiques dans l'espoir d'une bonne promotion de ses livres.