Un ouvrage de l'universitaire Frédérique Devaux Yahi, décortiquant le cinéma amazigh algérien, offre aux lecteurs et chercheurs les premières pistes de lecture audiovisuelle et un corpus des réalisations amazighophones. L'auteure née d'un père algérien et d'une mère française a voulu, à travers son ouvrage, intitulé « De la naissance du cinéma kabyle au cinéma amazigh » (255 pages), fraîchement édité par l'Harmattan, analyser la place des structures coutumières traditionnelles dans trois films et mettre en perspective « ces baptistaires d'une possible cinématographie amazighe ». Se basant sur « La colline oubliée » d'Abderrahmane Bouguermouh (1996), « Machaho » de Belkacem Hadjadj (1996) et « La Montagne de Baya » d'Azzedine Meddour (1997), l'auteure, maître de conférences à Aix-Marseille Université, retient des figures filmiques et envisage la manière dont les cinéastes les ont utilisées « pour ne rien trahir de leur société d'origine ». L'étude prend également en charge le premier film en chaoui « La Maison jaune » d'Amor Hakkar (2008), avant de faire un détour vers le cinéma berbère marocain, aux côtés de son initiateur Mohamed Mernich. Loin des clichés coloniaux Elle relève d'abord que l'apparition du cinéma algérien en kabyle devance de huit années celle du premier film amazigh marocain en 2005 « Tilila » (secours) de Mohamed Mernich et de onze ans l'avènement du premier en chaoui d'Amor Hakkar, qu'elle considère « comme un événement ». « Ces films font figure d'archétypes et de classiques. Outre leurs qualités esthétiques, ils ont ouvert la voie économique à la réalisation de films », a souligné dans son introduction l'auteure qui vit entre Paris et Bejaïa. Son étude s'intéresse au contexte politique et social ayant accompagné la naissance de ces œuvres et aux revendications culturelles qui les ont précédées. « Depuis quelques années, les auteurs kabyles produisent de nombreuses images, surtout en vidéo », note-t-elle. Pour elle, les trois films ont donné lieu à trois actes de naissance dans la culture amazighe, longtemps absente des écrans, soulignant qu'à travers ces œuvres, « c'est l'essence de la société kabyle qui nous y est contée, loin des clichés coloniaux ». « Pour la première fois, évolue à l'écran un monde rural, avec son franc-parler poétique, ses mots couverts, ses rites, ses croyances et ses doutes », dit-elle relevant que ces œuvres prennent en compte la société kabyle, « ce qu'elle a d'essentiel et de dérisoire ». S'adressant aux publics méconnaissant la culture kabyle et à une audience intéressée par l'analyse d'images et des sons, Frédérique Devaux Yahi décortique chaque film analysant son adaptation, le respect du roman, les coupes, le dialogue, le montage, les précisions historiques et la fidélité à l'époque. En guise de conclusion, l'auteure revient sur une foule de questionnements autour de l'existence ou pas d'une cinématographie en kabyle, tentant de répondre par une déclaration du cinéaste Hadjadj qui « ne pense même pas qu'il existe un cinéma algérien », alors parler du cinéma amazigh, « c'est aller vite en besogne », avait-il affirmé.