« L'institution d'un couvre-feu spécial pour les Algériens, malgré sa formulation de conseil, se traduit en un texte d'exception qui aggrave de façon dramatique et insupportable la situation des travailleurs algériens », note, pour sa part, l'ancien membre dirigeant de la Fédération du FLN de France, Me Ali Haroun. L'avocat rappelle à l'APS que « si certains proches de l'Elysée voulaient pratiquer la politique de la main tendue, d'autres poursuivaient celle de la trique, des noyades et des ratonnades ». Aussi, « la répression de l'émigration algérienne s'est-elle manifestée de façon continue » , poursuit-il. Il fera remarquer que s'agissant des massacres du 17 octobre 1961, « la torture, d'abord niée, a finalement été reconnue pour des cas particuliers, comme bavure d'abord, puis comme pratique courante », que l'idée de « disparitions d'Algériens a été acceptée du bout des lèvres » alors que « la liquidation de ces derniers est quelque chose de connu, admis et toléré en haut lieu ». Il rappellera le contenu du rapport du GPRA dans lequel le Comité fédéral expliquait l'origine de ces manifestations en ces termes : « Ce serait une grossière erreur de notre part de croire que parallèlement aux développements politiques et aux contacts officieux ou semi-officieux sur la reprise des négociations, la répression allait s'atténuer pour faciliter la conclusion de ces contacts. » « Le préfet de police de Paris, Maurice Papon, instruit par son expérience d'Igamie de Constantine, et celle plus lointaine de l'Occupation, entendait retisser à Paris le quadrillage qui lui avait, dit-il, si bien réussi sur les bords du Rhummel », fait observer l'avocat, rappelant les cas « fréquemment évoqués d'Algériens brutalisés, assommés, noyés ou pendus dans les bois des environs de Paris ». « On n'en voudra pour preuve que certains faits parmi tant d'autres rapportés par un groupe de policiers républicains, dont la conscience n'a pu s'accommoder d'atrocités devenues chose banale pour d'autres », poursuit Me Haroun, estimant que la décision du couvre-feu tendait à soumettre les Algériens à « un régime discriminatoire de caractère raciste, les livrant encore plus complètement aux visites domiciliaires des harkis et aux rafles des policiers ». Abordant les répercussions politiques des journées d'octobre, le témoin cite le compte-rendu de « La revue » de Jean-Paul Sartre, qui avait écrit : « les juifs parqués au Vél d'Hiv sous l'Occupation étaient traités avec moins de sauvagerie par la police allemande que ne le furent, au palais des Sports, par la police gaulliste, les travailleurs algériens. » Pour Me Haroun, ce qui est arrivé à Paris en octobre 1961 rappelle les « méthodes » de Massu lors de la Bataille d'Alger, lequel avait invoqué, avec le ministre de l'Intérieur, « le terrorisme aveugle du FLN qui viserait les policiers parisiens ». « Il n'y a pas, il n'y a jamais eu de terrorisme aveugle du FLN », conclut-il, qualifiant ces tragiques journées d'octobre 1961 de « nouvelle bataille de Paris ».