La «révolution» libyenne est-elle en train de dévorer ses propres enfants ? Tout porte à le croire depuis l'assassinat, dans des conditions très floues, du général libyen Abdel Fatah Younes, ancien sbire de Mouammar Kadhafi qui s'était rallié à la rébellion, jeudi à Benghazi, fief des rebelles dont il était le chef d'état-major. Selon Moustafa Abdeljalil, président du Comité national de transition (CNT), Abdel Fatah Younès a été tué par un groupe d'hommes armés après avoir été convoqué pour un interrogatoire à Benghazi. Il a précisé que deux colonels de l'armée rebelle avaient été tués en même temps que Younès. M. Abdeljalil a ajouté que le chef du groupe qui l'a assassiné a été arrêté et annoncé trois jours de deuil, rejetant indirectement la mort de Younès sur les forces loyales au régime de Mouammar Kadhafi. Il a précisé que les corps du général Younès et des deux colonels n'avaient pas encore été retrouvés après avoir été emportés par leurs tueurs. La situation était assez confuse jeudi soir à Benghazi, des hommes armés ayant essayé de pénétrer dans l'hôtel où le chef du CNT donnait une conférence de presse pour annoncer la mort du général Younès. Un groupe de soldats s'est dirigé vers l'hôtel en tirant en l'air mais a été empêché d'y pénétrer. Selon le chef du CNT, le général Younès avait été convoqué à Benghazi par une commission d'enquête pour discuter de sujets « concernant les affaires militaires ». Des rumeurs avaient auparavant circulé dans la journée sur son arrestation à Benghazi. Abdel Fatah Younès était présenté, avant son ralliement à la rébellion, comme le numéro deux du régime du colonel Kadhafi, occupant notamment les fonctions de ministre de l'Intérieur. Il avait participé au coup d'Etat qui avait porté le colonel Kadhafi au pouvoir en 1969. Il s'était rallié très tôt aux insurgés, tout comme Moustafa Abdeljalil, après le début du mouvement de contestation contre le colonel Kadhafi le 15 février et occupait depuis d'importantes responsabilités militaires à leurs côtés. La France a appelé hier à la prudence sur les explications et les responsabilités dans l'assassinat à Benghazi du chef d'état-major de la rébellion, dont elle est l'un des principaux soutiens internationaux. « Nous attendons le résultat de l'enquête. Pas de spéculations. Nous n'avons pas d'autres informations », a déclaré le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Bernard Valero, lors de son point de presse quotidien La mort de Younès intervient alors que les rebelles libyens ont infligé un nouveau revers aux troupes loyales au régime du colonel Kadhafi en s'emparant de deux localités près de la frontière tunisienne, au sud-ouest de Tripoli dont la ville d'Al-Ghazaya.Sur le plan politique, le Conseil national de transition a nommé deux ambassadeurs, l'un en France, Mansour Saif Al-Nasr, 63 ans, le second, Mahmud Nacua, écrivain et intellectuel de 74 ans, à Londres, au lendemain de la reconnaissance par la Grande-Bretagne du CNT comme seul gouvernement légitime en Libye. Par ailleurs, le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques de l'ONU, Lynn Pascoe, a indiqué devant le Conseil de sécurité que l'unique solution politique à la crise libyenne était l'instauration d'un cessez-le-feu couplé à des accords transitoires, tandis que le représentant sud-africain a demandé que la communauté internationale doit renoncer à exiger le départ dirigeant libyen du pouvoir.