Chouli, dans ce premier roman, après un recueil de nouvelles, «Demain, il sera trop tard» publié toujours chez Casbah Editions, ne veut pas se départir des tréfonds sociaux et demeure le miroir de son entourage... C'est un livre poignant que nous livre là Mohamed Chouli. Qui s'en est allé extirper de dedans la société, des maux qui n'en finissent pas d'enliser des gens pourtant comme il faut mais qui n'ont pas les moyens de ne pas tomber dans les méandres de la misère, pour tendre ses tentacules par de là les cités dortoirs. Et venir se nicher à l'intérieur de foyers qui n'étaient pas faits pour avoir les meilleures des destinées. Même en gagnant honnêtement sa croûte, juste de quoi faire subsister les siens, pour leur épargner la mendicité, la honte et la décrépitude… Mohamed Chouli qui se donne cet argument, un peu comme pour ne pas accepter cette fatalité, en use et en abuse, comme si la condition humaine qu'il fait subir à ses personnages, ne devait pas être. C'est ainsi qu'il endosse tous les justificatifs à son actant principal, Nabil Sadji, alias La main d'or, d'où le nom du roman. Qui subit la loi du plus fort, la force matérielle des nababs, desquelles, rien ni personne ne peut le sauver. C'est ainsi que le jeune lycéen à peine sorti de l'adolescence s'en trouve porté par ce fort désir d'être à la hauteur, quand bien même cela en coûterait à sa conscience de fils de famille. Mais cela ne suffit pas pour éviter les regards narquois du reste de la maisonnée, la mère qui avait tout misé sur son garçon, lui prédisant un avenir confortable, une situation aisée, en devenant médecin… ses sœurs s'en détournent, son père, seul reste son allié, un peu comme une solidarité mâle … Chouli, dans ce premier roman, après un recueil de nouvelles, «Demain, il sera trop tard» publié toujours chez Casbah Editions, ne veut pas se départir des tréfonds sociaux et demeure le miroir de son entourage, d'une Algérie qui se débat, à travers son peuple, dans tout ce qui est à construire, à refaire, à entretenir. Pour un meilleur équilibre économique, dans un environnement fait pour enfoncer les plus vulnérables, dans le pays et dans le monde. Dans une écriture fluide, presque naïve, romancée à souhait, même si la réalité emboîte le pas à la fiction, au point où elle la chevauche, de par les noms des quartiers, la vie de tous les jours, dans un brassé d'aujourd'hui et d'hier, les allusions économico-sociales et politiques du pays, l'auteur, se laisse attendrir par la mouvance que prend cette histoire qui peut être celle du plus commun des Algériens. Il se laisse presque emporter par ces relents sociétaux dont il est témoin et qu'il veut porter au regard aveugle, et à l'oreille sourde de tout un chacun. Comme pour secouer la léthargie qui met la demeure en péril. Un appel du pied pour venir en aide à ces jeunes pris dans l'engrenage du gain facile, du matériel et du luxe. Des pickpockets professionnels qui n'en sont pas moins dénués de bon sens, de générosité, d'éducation, de gentillesses, affables, prêts à intervenir pour défendre les veuves et les orphelins… Un métier qui pullule et dans lequel Chouli passe en véritable «professionnel des poches». Un bel étalage d'une enquête journalistique y transparaît. Mais la fatalité surplombe tous ces gestes et faits des personnages de «la main d'or». Que le père Sadji subit, que le cafetier accepte, à laquelle se résigne, impuissante, la sœur de Nabil, dans laquelle s'enlise Hicham, surnommé Chriki, dont même le cousin venu du bled, habitué au dénuement malgré toutes ses capacités de transcender les difficultés qu'il n'a pas eu peur de dépasser, n'a pas réussi à détourner. Fatalité face à un combat vain. Fatalité de la mère Zouina qui ne comprend pas comment son fils puisse tenir tête à un fils d'un richissime. On accepte et on subit. Surtout quand on n'a pas les moyens de se mesurer aux plus lotis. On ne va pas dire que Chouli va jusqu'à excuser ce mal qui s'incruste dans la jeunesse d'aujourd'hui, à laquelle il ne donne pas l'envie d'aller voir d'autres cieux, mais d'arracher sa place au soleil coûte que coûte. Même si quelque part, le bien fait souvent irruption dans la tête de Nabil, fait plus qu'effleurer l'esprit de Hocine le cafetier… non, les jeunes qui volent ne font que subsister. Ils sont conscients qu'ils prennent ce qui ne leur appartient pas mais que font les autres riches, sinon, s'accaparer de tout sans partager ? Des clins d'oeils parsèment dans une narration imagée, de dictons et de sagesse populaire, le roman où évoluent le chômage, le chapardage, l'arrivisme, la drogue, l'oisiveté, la pauvreté … comme un véritable concentré de la vie actuelle, où la loi du talion l'emporte sans mégarde, sans scrupule… Et comme le mal ne reste pas impuni, ceux qui y ont recours, le payent de leur vie. Nabil est fauché par un véhicule, Chriki est abattu comme un criminel pour un meurtre qu'il n'a pas commis. Une fin torride, dure, absurde. Et ceux qui en sont les instigateurs, ont la vie sauve. Fatalement, suggère l'auteur. Parce qu'il n' y a pas de place pour le rêve. Celui de Nabil n'aboutira pas. Il n'ouvrira pas de commerce de portables qu'il n'a eu de cesse de voler faisant croire à sa famille qu'il fait dans l'informel, il ne se mariera pas à Sabrina, pour laquelle il échafaude secrètement une union à vie… Mohamed Chouli marque là une halte au mal même non voulu. Et les plus petits n'y ont pas droit. Seuls, les grands ont droit de cité… somme toutes, une réalité ordinaire, dans laquelle s'affronte le fils d'un maçon et le fils d'une grosse légume. A méditer. Faute d'y remédier... «La main d'or », de Mohamed Chouli, Editions Casbah, 251 pages, Prix public : 400 DA