Il se dit, loin de tout bon sens, que des villes entières risquent d'être enclavées par la finalisation du projet d'autoroute Est-Ouest, et que déjà certaines villes éprouvent l'isolement économique dans lequel les a plongées l'ouverture de tronçons livrés et finalisés. Voilà des constats qui vont très vite en besogne avant même de laisser apprécier le genre d'encalevement dont il est question. Celui-ci est lié au statut, très petitement économique, de ville de passage. Un rôle que pourrait jouer, à la place de toute une ville, une aire de repos avec sa panoplie de services. On peut faire une escale dans une ville, lors d'un déplacement, mais ce n'est pas pour autant qu'on désignera cette ville comme une ville d'escale. Une ville est toujours une destination et non un lieu de passage, sauf lorsque la ville, en question, a dû naître après la route ou le chemin de fer qui lui a donné sa raison d'être. Il est vrai que des activités commerciales naissent sur des artères urbaines qui traversent des villes de part en part, fréquentées par des usagers de la route en escale. Ce qui rend tout aussi vrai le fait que la construction de l'autoroute va réduire le flux des passages par ces artères. Ce qui est moins vrai, en revanche, c'est qu'on puisse penser qu'une autoroute puisse enclaver une ville, quand, au contraire, elle en est l'axe désenclavant, par excellence, et un vecteur formidable de progrès et de prospérité. En fait, dire qu'une ville est toujours une destination, c'est signifier que celle-ci n'en est une que parce qu'elle a fondé son attractivité originelle sur une raison socio-économique, qu'il s'agisse d'activité agricole, industrielle ou touristique, l'activité commerciale étant commune à toutes les villes, sauf quand il s'agit de commerce artisanal spécifique à des produits de terroir. C'est cette vocation économique qui rend encore plus intéressant le projet autoroutier dont la fonction primordiale est de faciliter l'accès à ces villes, de les rapprocher les unes des autres et de fluidifier les transports de marchandises tout en réduisant les coûts et le temps de transport. L'autoroute est désormais, pour ces villes qui la bordent, tel le lit d'un torrent de voyageurs. Chaque ville, selon la qualité de son accueil, son attractivité humaine, économique, touristique ou culturelle pourra prétendre à son quota de visiteurs ou même de voyageur en escale. Ce n'est pas parce qu'une aire de repos propose des hamburgers, qu'on hésitera à emprunter la bretelle pour aller savourer de bons plats traditionnels, acheter des articles d'artisanat ou encore des fruits et des légumes que seule cette ville sait cultiver.